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pâle et faible, attendrir des cœurs qu’il espérait gagner par la pitié. Ce personnage singulier, mobile, égoïste, ardent et comédien, ne pouvait en aucun temps obtenir dans le public anglais une faveur durable. Sa rupture ouverte avec son père et même avec sa mère ne lui valait aucune popularité. On attribuait sa disgrâce à ses mœurs plus qu’à ses opinions, et sa conduite comme roi a prouvé qu’il n’avait guère adopté quelques idées de l’opposition que pour se mettre au ton de la conversation des amis qui l’amusaient ou qui pouvaient le servir.

Il avait en effet grand besoin d’être soutenu. Sa dotation n’était pas considérable. Elle avait été, à l’époque de sa majorité fixée par le roi lui-même à la moitié de la somme que proposaient pour lui les ministres. Le parlement ne lui avait voté que des frais d’établissement. Son revenu lui était payé sur la liste civile. Ce qui le rendait plus dépendant encore c’étaient ses dettes : elles le mettaient à la merci du roi, des ministres et du parlement, qui, ce me semble, les paya une fois; mais quelques années après ses profusions l’avaient mis en de tels embarras que Pitt lui fit entendre qu’un vrai mariage serait le seul moyen d’obtenir qu’on éteignît ses dettes et qu’on augmentât son revenu. Ce fut un des motifs qui le décidèrent. Lady Jersey, qui avait alors sur lui une grande influence, crut qu’un mariage public serait une garantie contre le renouvellement de ses liens d’intimité avec Mme Fitzherbert. En même temps elle lui persuada, dit-on, que pour conserver la liberté de ses sentimens, il devait prendre une femme qu’il ne pût aimer. Deux princesses protestantes semblaient seules alors pouvoir se disputer son choix l’une, la princesse de Mecklembourg, est cette reine de Prusse que ses vertus et ses charmes ont rendue célèbre; l’autre, Caroline de Brunswick, était une femme de vingt-sept ans, moins laide que déplaisante, plus dénuée de jugement que d’esprit, de dignité que de courage, et qui avait déjà trouvé moyen de compromettre, au moins par ses manières, sa réputation dans son propre pays. C’est celle-ci qu’on lui fit préférer. Elle avait pour lui le mérite de n’être pas, comme la première, du goût et de la famille de sa mère. Cependant il ne prit sa résolution qu’après avoir obtenu du cabinet la promesse de payer ses dettes et de porter son revenu à cent mille livres sterling. Alors il alla voir le roi, lui fit part de ses idées de mariage, lui promit dans l’avenir une vie plus régulière et lui annonça son choix en faveur de la fille du duc de Brunswick. C’était la propre nièce du roi, qui ne pouvait refuser son consentement. La future reine arriva en Angleterre, précédée de tous les propos peu obligeans des Anglais qui avaient voyagé en Allemagne. Quand elle vit pour la première fois son fiancé, elle voulut se mettre à genoux il la releva et l’em-