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VI.

Le conflit avec la reine n’avait pu rendre excellens les rapports du roi et de ses ministres, et le bruit d’un changement se renouvela plusieurs fois dans le cours de l’année 1821. Le changement se réduisit à deux promotions, et, malgré le mérite des personnages, elles n’eurent pas de sensibles conséquences. Le marquis de Wellesley fut nommé lord lieutenant d’Irlande, et, de la part d’un ministère notoirement hostile à l’émancipation des catholiques, ce choix aurait paru favorablement significatif, si l’on n’eût placé près de lui, pour secrétaire en chef, un ennemi déclaré de ce grand acte de tolérance, et si déjà, depuis quelque temps, lord Sidmouth, restant dans le cabinet sans département, n’eût cédé l’intérieur à un jeune homme qui partageait tous les préjugés protestans, et l’avait prouvé, quelques années auparavant, dans ce même poste de secrétaire de l’Irlande. C’était le fils d’un manufacturier riche et considéré. Entré au parlement à vingt-deux ans, en 1810, il s’était montré comme un tory de l’école de Perceval plutôt que de celle de Pitt, comme un futur continuateur de lord Liverpool plutôt que de Canning; mais il avait de bonne heure donné les signes d’un orateur il en manquait un au ministère dans la chambre des communes pour parler contre les catholiques, puisque Canning et Castlereagh étaient pour eux. On crut l’avoir trouvé. Un excellent juge, Mackintosh, disait après l’avoir entendu en 1817 « Son discours a peu de mérite pour le fond; mais l’expression en est si claire et si élégante, et il a été si habilement débité, qu’on l’a excessivement applaudi. C’est une preuve de la grande valeur des parties mécaniques de l’art de parler, lorsqu’elles sont combinées avec beaucoup d’art et de précaution. » Cet orateur si industrieux, ce jeune ministre, se nommait Robert Peel.

Lord Grenville, depuis un temps, s’était retiré de l’opposition, et demeurait dans cette situation indépendante qui allait au tour de son esprit et que recherchent les hommes de tiers-parti. Quant à lui, il devait de plus en plus s’attacher à une retraite pleine de dignité; mais il avait permis à ses amis de se rallier au ministère, et le marquis de Buckingham, son frère, y avait gagné un duché. Toutes les places se trouvaient donc remplies, et Canning, qui ne pouvait avoir que des rapports gênés avec le roi, s’était décidé à prendre la succession du marquis de Hastings dans le gouvernement de l’Inde. Son peu de fortune lui faisait désirer cette royauté de cinq ans, lorsqu’on apprit tout à coup que lord Castlereagh s’était coupé la gorge dans un moment d’égarement. La dernière session avait été très laborieuse. L’état du monde était loin d’être