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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/36

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On conçoit qu’il n’y eut plus de débats sérieux soit sur les affaires intérieures d’un pays qui arrivait enfin par la victoire et par la paix au but d’une lutte si longue, si douloureuse, si formidable, soit sur l’existence d’un ministère qui, sans crainte et sans relâche, avait voulu ou soutenu toutes les choses qui après tout avaient triomphé. L’Angleterre avait été assez heureuse pour ne traiter qu’avec le premier consul, et, en détrônant l’empereur, sa conduite était un peu moins énorme que celle de ces cours du continent si jalouses des droits monarchiques et du principe de l’inamissibilité des couronnes. La restauration de la maison de Bourbon, sans être en soi un acte fort populaire dans la nation anglaise, était cependant une conséquence assez naturelle des théories qui avaient mis souvent les gouvernemens de la révolution française hors du droit des gens. L’opposition avait pour ainsi dire bouche close. L’événement démentait tous ses pronostics; la fortune s’était jouée de ses menaces. En protestant contre les événemens, elle se serait rendue suspecte au pays, et ceux qu’on appelait les whigs napoléonistes se défendaient d’avoir jamais mérité ce nom.

Ce n’est pas que le succès justifie tout ce qu’il a couronné. La guerre de la Péninsule a pu être l’objet de plausibles critiques. Canning, qui passe pour en avoir été l’inventeur (the originator), et lord Wellesley, qui l’adopta chaudement pour profiter de la gloire de son frère, ont souvent accusé les ministres de la poursuivre négligemment et comme à contre-cœur. Ceux-ci voyaient en effet que l’honneur des armes anglaises y était engagé, et que leur armée, opérant isolément, mal secondée par la jalousie des Espagnols, pourrait succomber sans utilité pour la cause générale, si l’empereur eût dirigé en Espagne des forces suffisantes, et s’il n’avait fait une sorte de diversion contre lui-même en jetant toute son armée dans le nord. L’entreprise des Anglais était donc hasardeuse et pouvait être vaine; mais les événemens en ont autrement décidé, et il faut reconnaître que la résistance de l’Espagne a, moralement du moins, imprimé le mouvement à la résistance de l’Europe. « Les flammes de Moscou et de Saragosse, a dit Benjamin Constant, ont été l’aurore de la liberté du monde. Nous ne pouvons, pour nombreuses raisons, partager cet enthousiasme; mais nous croyons pouvoir dire que, tant que la France n’a pas eu les peuples contre elle, c’est-à-dire au temps des guerres de la révolution, elle a tenu tête à l’Europe, et qu’elle n’a succombé qu’au jour où les égaremens d’une politique sans contrôle et sans frein sont parvenus à faire entrer les nations dans la ligue des rois. Or ce mouvement de la nationalité européenne, l’Espagne en donna le premier signal, et l’Angleterre, en la soutenant par la voix de sa tribune, en lui donnant l’appui de ses armées et de son nom, n’a sans doute pas été