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trouver son esprit ni celui du traité même dans la manière gauche et maussade dont le gouvernement avait pris la bataille de Navarin, accueillie ailleurs avec une sorte d’enthousiasme. L’opposition se plaignit, et sans aucun doute Canning aurait plus adroitement concilié le fidèle attachement du cabinet britannique aux intérêts de la Turquie avec les ménagemens dus à l’opinion passionnée pour la Grèce ; mais en Angleterre ces questions ne sont pas dans l’usage d’importer beaucoup à la situation des ministres. C’est sur les questions de tolérance religieuse qu’on attendait la nouvelle administration. On était curieux de savoir si, par le dernier changement, le bigotisme protestant avait repris beaucoup de terrain. Lord John Russell proposa donc l’abrogation de l’acte de test et corporation, c’est-à-dire de la loi qui obligeait, pour être membre d’un corps municipal ou pour remplir certains offices, à faire acte d’adhésion et par serment à la liturgie anglicane. Cette loi, systématiquement éludée, existait cependant depuis Charles II, et il y avait trente-huit ans que Fox en avait demandé l’abolition. Le ministère n’osa y opposer que la demande de quelques restrictions, et la motion passa dans les deux chambres. Lord Wellington, amené, en la discutant, à parler des catholiques, dit qu’il ne voulait nullement aggraver leur sort, mais qu’il était parfaitement décidé à ne leur faire aucune concession.

Sur les céréales, il n’éprouva nul embarras à soutenir un bill qui reposait sur les mêmes principes que celui de l’année dernière et relevait seulement un peu les chiffres de la taxation. Aussi le projet rencontra-t-il une partie des mêmes adversaires, et Wellington et Peel commencèrent à paraître à certains tories d’un peu tièdes conservateurs. L’esprit de transaction était dans l’air pour ainsi dire, et le temps des résistances à outrance était passé. La motion accoutumée de sir Francis Burdett allait en fournir une nouvelle preuve. La discussion fut longue et solennelle. Peel soutint encore avec de grands développemens les opinions d’un digne représentant de l’université d’Oxford, et rencontra encore pour adversaires Huskisson, Grant, Lamb, ses collègues dans l’administration. Sur 538 votans, une majorité de 6 voix leur donna raison.

Quoique le parlement eût toujours rejeté le projet d’une réforme parlementaire, il ne se refusait pas à supprimer les abus de détail trop crians pour qu’on en prît la défense, et, deux bourgs ayant été convaincus d’avoir trafiqué de leurs suffrages, la franchise électorale leur fut enlevée. Il s’agissait de savoir à qui l’on transporterait le droit d’élire de l’un d’eux, celui d’East-Retford. Serait-ce aux cantons voisins de Bassetlaw ? Serait-ce à une grande ville manufacturière ? Peel vota pour les cantons, Huskisson pour Birmingham. C’était au milieu de la nuit. Il écrivit aussitôt au duc de Wel-