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« Je lie à ma personne en ce jour la puissance d’une invocation à la Trinité, la puissance de la foi en l’unité dans la Trinité, la puissance du Créateur des éléments.

« Je lie à ma personne en ce jour la puissance de l’incarnation et du baptême, la puissance du crucifiement et de la sépulture, la puissance de la résurrection et de l’ascension, la puissance du jugement dernier.

« Je lie à ma personne en ce jour la puissance de l’amour des séraphins, de l’obéissance des anges, de l’espérance en la résurrection et dans les récompenses futures, la puissance des prédictions des prophètes, de la prédication des apôtres, de la foi des confesseurs, de la piété des vierges saintes et des actes des hommes justes.

« Je lie à ma personne en ce jour la grandeur du ciel, la lumière du soleil, la blancheur de la neige, la force du feu, l’impétuosité de l’éclair, la rapidité du vent, la profondeur de la mer, la solidité de la terre, la dureté du roc.

« Je lie à ma personne en ce jour la puissance de Dieu pour me guider, la force de Dieu pour me soutenir, la sagesse de Dieu pour m’enseigner, l’œil de Dieu pour veiller sur moi, l’oreille de Dieu pour m’entendre, la bouche de Dieu pour me faire parler, la main de Dieu pour me protéger, la voie de Dieu pour diriger mes pas, le bouclier de Dieu pour m’abriter, l’armée de Dieu pour me défendre :

« Contre les embûches des démons, contre les tentations des vices, contre les convoitises de la nature, contre quiconque médite de me nuire, de loin ou de près, seul ou accompagné.

« J’ai lié à ma personne toutes ces forces, afin de résister aux forces ennemies dirigées contre mon corps et contre mon âme. Je les ai liées contre les enchantements des faux prophètes, contre les lois noires des païens, contre les lois mensongères de l’hérésie, contre les préceptes de l’idolâtrie, contre les sortilèges des femmes, des forgerons et des druides, contre tout savoir qui aveugle l’âme de l’homme.

« Christ Soit avec moi, devant moi, derrière moi, dans moi, au-dessus et au-dessous de moi, à ma droite et à ma gauche, dans le fort, sur le siège du char, à la poupe du navire !…

« Je lie à ma personne en ce jour la puissance d’une invocation à la Trinité dans l’unité, la puissance du Créateur des éléments. »


Si le goût des légendes n’avait pas détruit le sentiment de la vérité historique, on aurait remarqué la circonstance capitale qui, en assurant le succès de saint Patrick, a déterminé sa conduite politique. Cette circonstance fut le concours des brehon d’Irlande. Juges héréditaires et maîtres héréditaires des écoles de jurisprudence suivant les règles un peu vagues de l’hérédité irlandaise, — c’est-à-dire tantôt le frère succédant au frère, tantôt l’une des branches de la famille à une autre branche, ou le plus digne à l’indigne, — les brehon avaient, dès le Ve siècle, l’influence qui a fait donner aux lois d’Irlande le nom de lois brehon. Ils étaient les juges d’une justice indépendante, et ils possédaient l’action, toujours contestée et