Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/517

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

solution qui convenait aux intérêts suisses. En 1863, les vues de la majorité s’affirmèrent. Les travaux du Mont-Cenis se poursuivaient activement, et il n’était plus douteux qu’on pût exécuter des tunnels longs de 12 ou 15 kilomètres. Au mois d’août de l’année 1863, une conférence fut réunie à Lucerne; elle se composait des représentans des cantons de Lucerne, de Zurich, de Berne, d’Uri, de Schwitz, d’Unterwald, de Zug, de Fribourg, de Soleure, de Bâle-Cité, de Schaffhouse, d’Argovie, du Tessin, de Neuchâtel et de Thurgovie, auxquels s’étaient joints les mandataires de deux compagnies de chemins de fer, la centrale et celle du nord-est, qui sont les plus florissantes du pays. On remarquait dans l’assemblée la présence de M. Escher, une des notabilités politiques de la Suisse, qui, après avoir longtemps réservé son opinion sur les passages alpestres et avoir même penché pour le Lukmanier, s’était enfin déclaré hautement pour le Saint-Gothard. La conférence de Lucerne organisa la réunion dite « du Saint-Gothard » et nomma un comité permanent qui n’a cessé de fonctionner avec succès. Il a provoqué de nouvelles recherches techniques et suscité les beaux travaux dont nous avons parlé. Il a su appeler l’attention des pays du nord sur la ligne du Saint-Gothard et lui assurer de nouveaux appuis. De leur côté, les cantons qui désiraient faire triompher une solution différente ont convoqué une réunion à Saint-Gall; on y vit les représentans des Grisons, de Saint-Gall, d’Appenzell et de Glaris, c’est-à-dire des quatre cantons orientaux intéressés au choix du Lukmanier, et ceux de Genève, de Vaud et du Valais, c’est-à-dire des trois cantons occidentaux que desservirait mieux la ligne du Simplon. Cette assemblée, réunie dans la pensée chimérique de faire exécuter en même temps deux lignes alpestres, n’a pu réussir à contre-balancer les efforts de la conférence de Lucerne.

En Italie même, la cause du Saint-Gothard n’a pas tardé à compter de nombreux adhérens quand la question a été mieux étudiée. Vers la fin de 1863, M. Jacini, qui ne faisait pas alors partie du ministère, publiait le résultat d’une enquête dont la députation provinciale de Milan l’avait chargé. M. Jacini, avant de faire son rapport, était venu lui-même s’assurer de l’état des esprits en Suisse, et il est permis de croire que pendant ce voyage la cause du Saint-Gothard avait beaucoup gagné dans son opinion. Dans le travail qu’il livrait à la publicité, M. Jacini ne se prononçait pour aucune solution. Toutefois, et c’était déjà beaucoup, il montrait aux Milanais qu’ils n’avaient pas à s’attacher si étroitement aux passages orientaux; ils étaient presque désintéressés dans le choix: qui serait fait, puisque toutes les lignes sérieusement discutées aboutissaient à Milan, de telle sorte que du haut du Dôme de la ville on pouvait aperce-