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possible; c’est celle qu’une commission formée d’hommes compétens a mise en première ligne. Et d’ailleurs la ligne du Lukmanier vient, comme l’autre, aboutir à Milan. Telle était l’argumentation générale de M. Paleocapa. Son opuscule eut un grand retentissement; il souleva beaucoup de colères en Lombardie. Cependant, en conseillant aux Lombards de renoncer aux passages orientaux, qui ne donnaient pas satisfaction aux intérêts de la Suisse, il mettait en lumière une vérité que le conseil fédéral affirmait publiquement à la même époque. Répondant le 2 juillet 1863 à une communication du gouvernement italien, le conseil fédéral exprimait le désir « qu’il lui fût donné connaissance des lignes déjà étudiées ou à l’étude et sur lesquelles pourrait porter le choix de l’administration italienne, afin d’éviter qu’elle ne s’engageât trop avant dans une direction où la Suisse ne pourrait pas la suivre, comme par exemple s’il s’agissait d’une ligne qui ne dût pas traverser le canton du Tessin. »

Malgré quelques dissidences partielles, il semblait, vers le milieu de l’année 1863, que la solution du Lukmanier fût près d’être adoptée. Elle avait pour elle le vote de la commission administrative, elle était préconisée par les hommes les plus influens et les plus compétens. Un savant ingénieur lombard, M. Tatti, venait à son tour de publier un écrit pour la défendre. Elle avait, disait-on, les préférences du ministère des travaux publics; elle était appuyée de l’influence des puissans banquiers à qui appartient en grande partie la ligne de Coire au lac de Constance. La victoire du Lukmanier paraissait décidée. Cependant la question changea de face quand les partisans du Saint-Gothard entrèrent résolûment en campagne.

C’est en Suisse surtout que la solution du Saint-Gothard trouve ses défenseurs. Elle y a été étudiée et soutenue depuis 1850; mais l’action commune faisait défaut. L’initiative que la loi suisse laisse aux cantons dans les questions de chemin de fer, le morcellement du réseau, qui est partagé entre un assez grand nombre de compagnies, l’incertitude qui avait longtemps régné sur les conditions techniques du problème, formaient autant d’obstacles à une entente générale. Néanmoins l’opinion de la majorité était bien formée dans ce pays. Vers la fin de 1852, Stœmpfli, qui était alors président de la confédération, publia un écrit sur le rachat des chemins de fer suisses par l’état; dans ce travail, il proposa de compléter le réseau par la construction de la ligne du Saint-Gothard et d’y affecter une forte subvention fédérale. Quoique le projet de rachat de M. Stœmpfli fût loin de rallier l’opinion publique, sa proposition relative au Saint-Gothard montra une fois de plus quelle était la