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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 novembre 1865.

La lettre de l’empereur au maréchal Mac-Mahon est un document remarquable à plusieurs points de vue. Cet écrit doit déterminer une phase importante de la destinée de notre colonie méditerranéenne ; la forme adoptée par l’empereur pour communiquer et soumettre au public ses idées touchant cette partie de la politique française, quelques-unes de ces idées mêmes, donnent lieu à de profitables réflexions sur notre propre politique intérieure. Nous ne saurions avoir la prétention de nous établir ici en juges du programme de l’empereur, où sont soulevées des questions qu’on ne peut embrasser et résoudre sans être muni des connaissances spéciales les plus complètes et les plus détaillées. Nous demandons seulement la permission d’exprimer modestement quelques-unes des pensées qui nous sont venues à la lecture de la brochure impériale.

Et d’abord l’écrit de l’empereur semble nous réveiller en sursaut d’un bien long et bien étonnant sommeil. C’est une curieuse destinée que celle de notre entreprise algérienne. Nous sommes sur cette terre d’Afrique depuis trente-cinq ans. Nous avons passé à peu près la première moitié de ce temps à faire la conquête du pays. Abd-el-Kader ne se rendait au duc d’Aumale et au général Lamoricière qu’en 1847. La seconde moitié de cette période, celle qui nous conduit à la situation présente, commence à peu près à la révolution de 1848. Nous n’avons point l’intention d’additionner ici des chiffres, mais nous croyons qu’il ne serait point exagéré d’estimer à plus de deux milliards les sommes que la conquête et la conservation de l’Algérie coûtent à la France, et dans ce prix de revient les frais de conservation ne doivent pas être inférieurs de beaucoup aux frais de conquête. Certes, à mesure que l’on faisait la conquête, quelques esprits prévoyans n’étaient point sans se demander avec anxiété où cela nous conduirait ; mais des accidens qui devenaient des nécessités et l’impulsion d’un irrésistible instinct national nous poussaient toujours en avant. Les