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ces derniers temps que des résultats médiocres, La surprise de l’insurrection de l’année dernière, éclatant au milieu d’un découragement profond de la colonisation européenne, rendit brûlante encore une fois la question d’Algérie. L’empereur, comme on sait, prit le problème à cœur ; il voulut aller étudier sur les lieux les choses et les hommes : de là son voyage de cette année en Afrique, de là l’écrit remarquable et décisif dont il saisit en ce moment l’opinion. On a donc continué à beaucoup travailler sur l’Algérie depuis quinze ans, soit dans la routine silencieuse de nos grandes administrations civiles ou militaires, soit même dans les sphères élevées du pouvoir. Pourquoi tout ce travail est-il demeuré obscur, confus, infécond ? Veut-on le savoir ? C’est que l’opinion a été inattentive et indifférente en France à l’endroit des affaires algériennes ; c’est que l’activité et l’émulation que les institutions parlementaires communiquaient autrefois à la presse et aux chambres ont fait défaut durant ces longues années ; c’est que cet esprit de curiosité, de recherche, d’initiative, qu’entretient le feu des discussions publiques, s’est tristement alangui.

Nous ne pouvons croire que l’esprit public eût supporté la léthargie de nos affaires algériennes depuis quinze années, s’il eût conservé les grands ressorts d’activité politique qu’il possédait pendant la période de la conquête. Les hommes qui sont mêlés par leur situation aux intérêts algériens, des généraux, de grands fonctionnaires civils, des députés investis d’initiative, poussés par l’amour du bien public, par le sentiment du devoir, par le soin de leur renommée, par l’émulation des divers systèmes, par les interpellations redoublées et sympathiques de l’opinion publique, nous eussent éclairés par un débat pour ainsi dire quotidien sur nos affaires d’Algérie, et eussent entretenu l’élan de la France vers la rive africaine de la Méditerranée. Il n’y a point à se bercer d’illusions, le foyer véritable d’une colonisation, d’une assimilation de races, d’une propagande civilisatrice, telles que celles qui se tentent en Algérie, ne peut être qu’au cœur de la France libre. Pour que des œuvres semblables réussissent, il faut qu’elles sortent de la spontanéité d’une nation, il faut qu’un peuple entièrement maître de lui-même y mette son âme.

Nous n’allons point jusqu’à espérer que notre avis sur ce point ait l’honneur d’être partagé par l’empereur. Il est visible cependant que ce n’est point sans un sentiment d’impatience que l’empereur constate les résultats de notre entreprise algérienne. Le ton de sa lettre l’indique. L’empereur semble être sous l’impression d’une découverte désagréable. Ses critiques sur ce qui existe sont vives, tranchantes, et pèsent à peu près sur tout. On dirait le langage d’une opposition aux idées élevées sans doute, mais aussi ferme et aussi décidée que convaincue. Ce ton n’est point fait pour nous déplaire. Nous demandons seulement ceci : peut-on croire que si la France eût possédé dans ses institutions les facultés de l’initiative particulière et publique, toutes ces observations justes, toutes ces objections sévères, toutes ces suggestions sensées et pratiques, eussent si long-