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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/532

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mier soit confié à lord Russell, on peut dire qu’à un ministère Palmerston a succédé un ministère Gladstone, et que l’Angleterre ne saurait tarder à échanger la quiétude politique contre le mouvement.

Sur notre continent, si nous avions le choix du spectacle, s’il nous était permis de n’aller qu’où notre goût nous appelle, c’est vers l’Italie que nous porterions aujourd’hui notre attention. Là s’agitent des problèmes vraiment intéressans et qui touchent à de vastes intérêts. Tandis que commence notre évacuation de Rome, l’Italie va réunir son nouveau parlement. La grande question romaine suit le mouvement qui conduira un jour ou l’autre à la séparation des pouvoirs temporel et spirituel, et qui dans un temps donné devra contraindre tout ce qui est vivace dans le catholicisme à chercher les garanties de l’indépendance religieuse dans la liberté politique. L’Italie est forcée par ses engagemens à ne point hâter cette grande séparation par une intervention prématurée. Elle a d’ailleurs d’autres affaires et plus pressantes. La mission du parlement nouveau avant tout sera financière. Il faut que l’Italie fasse enfin un énergique effort pour conquérir l’indépendance des finances. Le ministre chargé de cette tâche, M. Sella, paraît en bien comprendre l’urgence et la portée. Il a exposé ses idées dans un récent discours avec une sévère franchise. Il a dit la vérité à son pays. On ne peut pas continuer le système des énormes déficits et des gros emprunts réitérés. Il faut accroître le revenu, et on ne peut demander l’augmentation du revenu qu’à l’impôt. L’intérêt et le devoir de l’Italie sont donc de se résigner aux contributions nouvelles, si dures qu’elles puissent paraître. La liberté financière est aujourd’hui la plus nécessaire garantie de l’indépendance italienne et l’instrument le plus sur de l’agrandissement auquel elle est obligée d’aspirer. M. Sella s’est montré plus encore qu’un intelligent et consciencieux ministre des finances ; il a parlé en homme d’état en essayant de faire comprendre à son pays que ses progrès vers la Vénétie dépendent bien plus de l’accroissement et de la prospérité du revenu public que de la force des baïonnettes.

Au contraire, si nous n’obéissions qu’à notre inclination, nous nous garderions de fourrer le nez dans les affaires d’Allemagne. Il y a en Allemagne, dans les classes industrielles et commerçantes et dans le monde savant et lettré, un fonds de libéralisme incontestable ; mais la fatalité a tellement brouillé les choses dans ce pays, les intérêts de nationalité, de circonscriptions territoriales, de cours, de peuples, de libertés politiques, y sont tellement enchevêtrés les uns dans les autres, que rarement nous avons la satisfaction de voir le parti libéral allemand dans la bonne route. Les libéraux y font la plupart du temps, avec une étrange naïveté, les affaires des gouvernemens qui leur sont contraires. C’est ce qui est arrivé depuis le commencement dans la question dos duchés et ce qui continuera probablement jusqu’à la fin. Au demeurant, le National-Verein acquiesce à la domination militaire et maritime de la Prusse dans les duchés. Le National-Verein ne comprend l’unité germanique que par l’hégémonie prus-