Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/693

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

germanique était devenue la cour féodale avec la conquête barbare, et les ducs de Bénévent, en vrais Lombards ou vrais Germains, s’honoraient d’avoir une cour féodale ; mais, si par là ils ajoutaient à leur magnificence et à leur renommée, ils diminuaient leur puissance, car tous ces fiefs et tous ces comtés qu’ils créaient aux dépens du domaine conquis les affaiblissaient. Outre la collation des fiefs, il y avait encore pour les ducs de Bénévent une autre cause de division et de morcellement. Les Lombards n’avaient ni droit d’aînesse ni loi salique, et ils partageaient leurs principautés entre tous leurs enfans. De là un nombre infini de petits seigneurs et de petits chefs opposés les uns aux autres et prompts à invoquer l’appui de l’étranger dans leurs querelles intestines. C’est en vain que par une faveur inespérée de la fortune les deux autres duchés lombards, Salerne et Capoue, se trouvèrent plusieurs fois réunis dans la même main. Le partage des successions détruisait bientôt cette unité, qui pouvait être le principe d’une autre unité plus grande encore, et venait rétablir la multiplicité et la faiblesse.

Ainsi divisés et affaiblis, ainsi dépourvus de marine dans un pays qui n’est qu’une bande de terre entre deux mers, les Lombards de Bénévent et de Salerne n’étaient pas capables de résister aux musulmans de Sicile et de défendre l’Italie méridionale en se l’appropriant. L’empire grec de Constantinople, qui avait perdu l’exarchat de Ravenne, mais qui avait gardé la partie la plus méridionale de la péninsule italienne, était-il plus capable que les ducs de Bénévent de repousser l’invasion des musulmans ?


II

Le bas-empire a une détestable réputation dans l’histoire : non pas qu’il soit plus mauvais que l’empire romain lui-même, mais il a eu le malheur d’avoir presque tous les vices de l’ancien empire et d’être venu à une époque où, ces vices ayant produit leur effet et perdu la société romaine, il aurait fallu, pour la rétablir, des qualités et des vertus plus grandes encore que celles qui l’avaient créée autrefois. Il succomba sous le poids d’une succession ruineuse ; cependant il fut longtemps à succomber. Montesquieu, dans ses considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, a cherché à expliquer cette longue durée d’un empire en déclin. Ce n’a pas été toujours une agonie, et le bas-empire a eu des reprises de force et de puissance qui nous font comprendre comment il a mis tant de temps à mourir. J’avoue même qu’à voir le bas-empire durer près de neuf cents ans, depuis la mort de Justinien (565) jusqu’à la prise de Constantinople par Mahomet II