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avaient peut-être inspiré le zèle sauvage des iconoclastes, c’est là une contradiction que je n’ose point imputer aux Siciliens. Il est vrai que M. Amari ne croit pas qu’il y ait le moindre rapport de doctrine entre les iconoclastes et les musulmans ; il ne pense pas que le plus ardent des empereurs iconoclastes, Léon l’Isaurien (726), se soit inspiré le moins du monde du mahométisme ou du judaïsme dans sa haine contre les images. Ici, je dois le dire, je joue de malheur avec M. Amari. Je suis assez favorable aux empereurs byzantins, et je crois qu’il y en a un assez grand nombre qui valent mieux que leur réputation ; mais je ne puis pas m’accorder avec M. Amari sur l’empereur Léon l’Isaurien, dont il fait un réformateur philosophique qui a voulu corriger la superstition et détruire les abus du monachisme. Léon a été intolérant et persécuteur, dit-on, parce qu’il a voulu faire des sages, l’étant lui-même. A Dieu ne plaise que je veuille ici discuter avec M. Amari pour ou contre la doctrine des iconoclastes ! Leur doctrine pouvait avoir du bon ; son malheur est d’être arrivée au trône et de n’avoir pas su résister au désir de triompher par des décrets. On reproche en général aux césars de Byzance d’avoir été trop théologiens. Leur tort, selon moi, n’est pas d’avoir été trop théologiens ; la théologie était le goût et la passion du temps. Comment des empereurs tumultueusement électifs auraient-ils pu échapper aux passions et aux opinions de leur siècle ? Aussi voyons-nous qu’à Constantinople toutes les hérésies sont arrivées tour à tour au trône. Le mal n’est pas que les empereurs aient été trop théologiens, mais qu’ils aient été trop empereurs dans la théologie. Au lieu de discuter, ils se sont mis à décréter. Il n’y avait pas grand mal à controverser sur l’usage et l’abus des images, sur la double ou l’unique volonté de Jésus-Christ ; le tort était de substituer la volonté de l’empereur à toutes les volontés du ciel et de la terre et d’adorer la toute-puissante personne du prince au lieu de telle ou telle image plus ou moins miraculeuse de la Vierge ou des saints. Règle générale : il est plus dangereux d’adorer les vivans que les morts, parce que l’adoration des vivans est un métier, tandis que celle des morts n’est qu’une opinion. Je ne veux pourtant pas reprocher trop vivement aux hérésies byzantines d’avoir cédé à la tentation de triompher par la force au lieu de triompher par la discussion et d’avoir préféré la publicité impérieuse du bulletin des lois à la publicité contentieuse des journaux. N’avons-nous pas vu de nos jours les plus honnêtes gens du monde, qui peut-être avaient raison et qui étaient en train de le faire croire au public, les économistes, renoncer à la lente sûreté de leurs démonstrations et aimer mieux vaincre par l’autorité que par la liberté ? Soyons donc indulgens pour les formulaires et les types