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théologiques que les empereurs imposaient à la conscience de leurs sujets, et plaignons les sectaires, princes ou ministres, plaignons les sectaires de toute opinion de préférer le commandement à l’apostolat.

Malgré le penchant que M. Amari prête aux Siciliens pour les musulmans, la conquête de la Sicile fut lente à faire, et ce n’est qu’entre 821 et 827 qu’elle s’accomplit ; ce ne fut pas non plus sans résistance. Cette résistance, dont je ne veux pas faire le récit, mais dont je veux citer quelques traits, montre un des plus curieux caractères de l’empire grec. Ce sont ce que j’appellerais volontiers ses accès inattendus de vitalité et ses résurrections intermittentes. Il y a des instans où, voyant la faiblesse de ses empereurs, la vénalité de ses ministres, l’indiscipline de ses armées, la mollesse du peuple, vous croyez que cet empire est à la veille de sa mort, et que rien ne peut le sauver. Tout à coup un nouvel empereur monte sur le trône, tantôt par l’élection d’une armée révoltée, tantôt par une révolution de palais, tantôt par un crime, et cet empereur, créé par le hasard, par le désordre ou par le crime, s’il a quelque courage et quelque talent, rend soudain à l’empire le ressort qu’il semblait avoir perdu, tant il y a de vitalité cachée dans cet établissement à la fois vieux et nouveau, tant la vie afflue naturellement de toutes parts dans cette capitale assise sur le Bosphore ! Il suffit d’un intervalle ou d’une trêve dans les vices de son gouvernement pour lui rendre quelque chose de la force et de la puissance romaines. Je ne compte pas, il est vrai, parmi les vices et les misères de son gouvernement l’usage d’élire révolutionnairement ou militairement ses empereurs. « Comme les Grecs, dit Montesquieu, avaient vu passer successivement tant de diverses familles sur le trône, ils n’étaient attachés à aucune, et, la fortune ayant pris des empereurs dans toutes les conditions, il n’y avait pas de naissance assez basse ni de mérite si mince qui pût ôter l’espérance. » Habitué à la perpétuité héréditaire de la maison de France, Montesquieu était disposé à regarder la monarchie élective et vacillante comme un mauvais système. Nous sommes d’un siècle plus aguerri aux oscillations du pouvoir. La phrase de Montesquieu veut dire après tout que, parmi les empereurs grecs, il y a eu beaucoup de parvenus. Où était le mal dans un empire cosmopolite, comme était nécessairement l’empire grec ? L’élection et le cosmopolitisme étaient un des remèdes et des contre-poids du despotisme oriental : mauvais remède, je l’avoue, meilleur pourtant que le mal. Dès Rome, il était visible que l’élection des empereurs, faite par le choix capricieux des soldats entre des parvenus arrivant du monde entier, était pour l’empire un moyen de salut plutôt que de ruine. Les courtes dy-