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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/705

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méridionale, si elle n’avait jamais eu que des gouverneurs comme Nicéphore Phocas ! Malheureusement les soldats byzantins se croyaient en pays conquis quand ils étaient en Italie ; ils se permettaient tout, violences contre les biens et contre les personnes, outrages à l’honneur des femmes, et répondaient aux plaintes par des coups. Aux insultes privées ajoutez la rapacité des généraux et des gouverneurs, les déprédations de leurs agens, les exactions sous prétexte d’armemens à faire : de là la haine que tous les historiens de ce temps, interprètes en cela des sentimens de l’Italie méridionale, témoignent contre les Byzantins ; de là aussi la faiblesse secrète de la domination byzantine dans la Pouille et dans la Calabre, et sa chute aux premiers coups que lui portèrent les Normands. Les Italiens du sud ne voulaient pas des musulmans pour leurs maîtres, mais ils ne voulaient pas davantage des Byzantins pour leurs défenseurs. Ils acceptèrent les Normands, chrétiens comme eux et qui cessaient d’être des étrangers en se naturalisant par leur conquête[1].

Je ne veux pas encore toucher à l’histoire des Normands dans l’Italie méridionale et plus tard dans la Sicile, qu’ils enlevèrent aux musulmans et aux Byzantins. Cette histoire viendra en son temps. Je veux achever de caractériser les derniers temps de la puissance byzantine en Italie, montrer ses derniers jours d’éclat au moment même où sa chute approchait, signaler les causes de cette chute, et enfin indiquer les traces que la domination byzantine a laissées plus ou moins longtemps dans l’Italie méridionale.


III

J’ai souvent cherché quelle était la cause du peu d’intérêt qu’inspirait l’histoire du bas-empire. Une des causes principales est, selon moi, l’incohérence et la singularité même d’un empire qui, pendant neuf cents ans, semble toujours mourant et qui ne meurt pas. Nous sommes tous portés, historiens ou lecteurs, à partager l’histoire des empires en trois périodes, celle de leur agrandissement, celle de leur puissance, celle enfin de leur décadence, et nous ne permettons guère aux événemens de mêler et de croiser ces diverses périodes, c’est-à-dire de susciter des résurrections imprévues aux jours de décadence et des chutes également imprévues aux jours de puissance et de force. Les soubresauts nous déplaisent dans l’histoire. Si un empire tombe, il faut, pour plaire aux logiciens, et nous sommes tous plus ou moins logiciens, que sa

  1. Amari, t. Ier, p. 443.