Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/748

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

états périodiques, il agit toujours en connaissance de cause. S’il prend plus de billets à certains momens ou s’il en prend moins, c’est que cela convient ainsi à ses intérêts ; personne n’en est meilleur juge que lui. Il faut seulement, je le répète, que la Banque ne soit jamais affranchie de l’obligation de les rembourser en espèces : à cette condition, tout ira bien, la Banque prendra elle-même les mesures nécessaires pour que la circulation ne dépasse pas certaines limites ; elle suivra les lois du change, et quand elle verra l’argent acquérir plus de valeur et les billets venir en plus grand nombre au remboursement, elle sera la première à restreindre son émission. Il faut encore que l’émission de la monnaie fiduciaire soit entre les mains d’un seul établissement placé sous le contrôle de l’état et offrant toutes les garanties désirables tant sous le rapport du capital social que sous celui de l’honorabilité des hommes qui le dirigent. Ici j’ai le regret de me séparer d’hommes éminens dont la voix a toujours beaucoup d’autorité, et notamment de M. Léonce de Lavergne, qui, dans la Revue même, a cherché à combattre quelques-unes des idées que j’avais déjà émises sur ce sujet. L’idéal de M. Léonce de Lavergne serait, non pas la liberté absolue des banques, — il craindrait avec raison qu’il n’en sortît l’anarchie, — mais un certain nombre de banques, qu’il appelle régionales, pour indiquer la limitation qu’il en fait, et qui partageraient avec la Banque de France le droit d’émission. Il croit que cette organisation vaudrait mieux que l’organisation actuelle, qu’elle donnerait plus de solidité à la circulation fiduciaire, et qu’en même temps beaucoup de banques pourraient s’établir qui ne le peuvent pas aujourd’hui, ou ne le peuvent que très difficilement sans droit d’émission.

Le principal argument pour montrer que les banques régionales donneraient plus de solidité à la circulation fiduciaire, c’est qu’il est bon en toutes choses de diviser les risques pour les affaiblir. On croit qu’il y aurait moins de risques et partant plus de garanties lorsque la responsabilité des billets au porteur ne pèserait plus sur une seule banque. Il est possible que cette maxime soit excellente en beaucoup de choses, mais ici elle produirait l’effet contraire. Les banques régionales, quelque sagement organisées qu’on les suppose, quelque puissantes qu’elles soient, n’auront jamais toutes la solidité de la Banque de France, n’inspireront pas toutes la confiance que celle-ci inspire. Or il suffira qu’une seule soit dans des conditions inférieures à celles de la Banque de France pour que le système soit moins bon. Supposez qu’à un moment donné une de ces banques, pour une raison ou pour une autre, subisse une crise, se trouve en face de demandes d’argent exceptionnelles, auxquelles elle ne pourra pas répondre : que deviendront