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acheter des céréales ou toute autre denrée de première nécessité, il faudra bien qu’on continue à se procurer ces denrées, car on ne peut s’en passer, et l’élévation du taux de l’escompte n’aura pour résultat que de les faire payer un peu plus cher. Il est vrai, il faudra toujours se procurer ces denrées ; mais, si on élève suffisamment le taux de l’escompte, on pourra se les procurer en exportant moins d’argent. Les négocians qui auront des crédits au dehors, au lieu de se faire adresser des retours en marchandises, se les feront adresser en numéraire, s’ils y trouvent plus de profit. — De même pour les étrangers. — Aujourd’hui, avec la facilité des communications et la solidarité qui existe entre tous les marchés, le capital, autrement dit le numéraire, au moins celui qui est dans la main des banquiers, est un peu cosmopolite, il se porte là où on le paie le plus cher, et s’il est plus cher chez nous qu’ailleurs, on nous l’enverra tant que nous en aurons besoin ; ce qui faisait dire à lord Overstone et à d’autres financiers éminens, dans l’enquête de 1857, qu’avec 200 millions d’exportation au plus de numéraire on pouvait faire venir pour un milliard de céréales ou de coton, à la condition d’élever suffisamment le taux de l’escompte. L’élévation du taux de l’escompte est fâcheuse, je le reconnais : elle amène des baisses sur tous les produits, elle provoque des liquidations ; mais à qui la faute ? Lorsqu’on est engagé au-delà de ses ressources, qu’il n’y a plus de capitaux pour soutenir toutes les entreprises, le mieux, c’est de sortir de cette situation au plus vite et de ramener l’équilibre entre les ressources et les besoins. La baisse sur les produits qui résulte de l’élévation du taux de l’escompte nous rouvre les marchés étrangers, nous y écoulons nos marchandises contre la chose dont nous avons le plus besoin, c’est-à-dire l’argent, et le change se rétablit à notre profit.

On s’étonne quelquefois de voir, à trois ou quatre mois de date, l’abondance du numéraire succéder à la disette dans les caisses de la Banque et l’escompte diminuer de moitié, de 7 à 3 1/2 pour 100 : c’est un fait qui s’est produit cette année même. L’encaisse, qui, au mois de novembre 1864, était descendu à 182 millions, était remonté à plus de 500 millions il y a quelques mois, et l’escompte, à 7 pour 100 à la fin de l’année dernière, a été à 8 pour 100 pendant la plus grande partie de l’année actuelle. On est tout près de croire alors que la tension qu’on avait subie était artificielle, puisqu’il a fallu si peu de temps pour ramener les choses à leur état normal. Cela prouve tout simplement que le moyen employé a eu l’efficacité qu’on attendait, que l’élévation du taux de l’escompte a amené la liquidation qui était nécessaire, et, à l’aide de cette liquidation, beaucoup de capitaux mal engagés sont redevenus disponibles.