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Avec des haches et des chaînes.
Allons cogner matin et soir,
Il faut des chevrons au pressoir.
— Tope, dit l’homme, et gare aux chênes !

Le chêne dit aux bûcherons :
— Que ferez-vous de mes chevrons ?
Je dormais d’un sommeil de marbre.
— Nous en ferons un échafaud ;
C’est pour la vigne, il nous les faut.
— Frappe ! dit l’arbre.

Avec la serpe et le couteau,
Allons-nous-en sur le coteau
Que le cep souriant festonne ;
Trousse tes manches, compagnon,
Et toi, la fille au lourd chignon,
Fais comme nous : voici l’automne !

— Gai vendangeur, que me veux-tu ?
Lui dit la vigne au bois tortu
Quand il passe de ligne en ligne.
— Je veux ton cœur tout frémissant,
Je veux ta moelle et l’on sang.
— Prends ! dit la vigne.

Corbeille au front, panier au flanc,
Portant le raisin noir et blanc,
Ils s’en vont, les poings sur les hanches,
Aveuglés par les rameaux verts,
Et l’on voit reluire au travers
Et leurs yeux noirs et leurs dents blanches.

La grappe dit de temps en temps :
— Où donc allez-vous si contens,
Mon beau garçon, et vous, ma belle ?
— Nous t’emportons dans des étaux
Qui broieront ta chair et tes os.
— Allons ! dit-elle.

Comme il jaillit, le vin nouveau !
On dirait que l’on saigne un veau.