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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/772

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LES BRUMES.
À M. CHARLES OLEYRE.

Les brumes à nos pieds se traînent lourdement.
Ah ! linceul de l’ennui ! voile opaque et dormant !
Savez-vous de quels cieux ces brumes sont venues ?
Ce sont les fleurs de pourpre et d’argent de l’été,
Elles viennent d’en haut, les brumes ont été Les nues !
……….

O jours ! rapides jours ! On marche, épanoui,
Dans les enchantemens de son rêve inoui ;
Le hasard vous sourit, tout vous doit quelque chose :
La femme son regard, et son parfum la rose,
Tout, jusqu’à l’avenir, — débiteur éternel.
On n’a d’autre passé qu’un baiser maternel ;
On ne sait pas, — on croit, on a la foi profonde ;
Si hauts sont les pensers et si larges les pas,
 Que la terre est étroite et que le ciel est bas,
Et l’on marche, pensant faire osciller le monde ;
On dit : Je veux ! On dit : Je serai celui-ci.
On admire sans haine, on aime sans souci ;
Aimer ! On n’aime pas seulement, on adore ;
Amour, espoir, désir, c’est un flux et reflux,
Celui qu’on a poussant celui que l’on n’a plus
Et poussé par celui que l’on n’a pas encore,
Et l’on sent qu’on fait bien et que l’on est béni :
Le bonheur est si grand qu’on le croit infini.
Et pourquoi, juste Dieu ! serait-il éphémère ?
Puisque le Père est bon, l’enfant doit être heureux,
Et l’on ouvre son cœur, et l’on est généreux,
Et l’on a tout : on a le monde, — on a sa mère !

Les nuages passaient dans les firmamens bleus,
La brise était leur grâce et le rayon leurs feux ;
Ils écumaient, joyeux, comme le flot des grèves.
Savez-vous ce que sont les nuages vermeils ?
Des ombres aujourd’hui, des veuves de soleils,
Des rêves !

La vie est un collier dont l’espoir est le fil.
Quel couteau que le temps ! Un jour, une par une,