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est d’ailleurs le seul jour de repos exigé par la loi ; les Anglais célèbrent pourtant quelques autres solennités, le vendredi saint et la Noël par exemple, mais le caractère en est très différent. Le vendredi saint est pour les classes ouvrières un jour d’excursions et de réjouissances ; il n’entre point dans le caractère de l’Anglo-Saxon de s’associer dans aucun cas au deuil d’une piété larmoyante. Quant à la Noël, c’est surtout chez nos voisins une fête de famille.

La religion s’appuie dans la Grande-Bretagne sur le consentement universel, et, quoiqu’elle apparaisse assez peu dans les formes, elle a solidement frappé de son cachet les idées, la littérature et la manière d’être des Anglais. Il existe d’ailleurs au sein même de la nation une église fortement constituée dont le mécanisme s’est calqué sur le moule des institutions civiles. La reine est le chef de l’église et de l’état, mais c’est surtout en matière de foi qu’elle règne et ne gouverne pas. Le pouvoir exécutif est représenté dans l’ordre spirituel par les primats, les évêques et les chapitres ; le pouvoir législatif au contraire réside dans des assemblées ecclésiastiques. Le clergé des campagnes[1] se relie à celui des villes ainsi qu’à l’autorité supérieure par divers officiers intermédiaires, et notamment dans certains diocèses par le doyen rural, rural dean. C’est cette organisation que je voudrais indiquer en transportant le lecteur sur le théâtre même des faits. En dehors de l’église établie se sont aussi formés divers groupes qui se réservent le droit d’adorer Dieu à leur manière et qu’on désigne sous le nom général de dissidens ou de non-conformistes. Il en est parmi ces derniers qui rejettent toute espèce de rites et de cérémonies : à leurs yeux, s’agenouiller, c’est s’accroupir. Sous ce dédain de certaines pratiques se cache pourtant tout un ordre de dogmes et de devoirs auquel les sectes adhèrent avec une froide opiniâtreté. Cette vie religieuse est répandue sur toute l’Angleterre ; mais c’est dans les villes et surtout dans les cités où s’élève une cathédrale que l’on peut le mieux se faire une idée de l’ensemble et des détails du système.


I

L’archevêque de Canterbury sert de lien entre le clergé anglican et la reine ; il est donc tout naturel qu’il demeure à Londres, le siège du gouvernement, au lieu de résider dans son diocèse. Un palais (Lambeth palace), qui s’élève sur les bords de la Tamise, est depuis Richard Ier l’apanage des primats de toute l’Angleterre ; Lambeth constituait autrefois un village de la banlieue qui a fini par se per

  1. Voyez la Revue du 15 septembre.