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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/823

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dre dans les accroissemens successifs de Londres et par devenir un quartier de la métropole. La meilleure route pour y arriver est le chemin d’eau. Des bateaux à vapeur partant de London-Bridge y conduisent toute la journée de noires fourmilières de passagers, non sans relâcher à chaque station, où des jetées flottantes, maintenues par des chaînes, s’élèvent et s’abaissent avec le mouvement périodique du flux et du reflux. Remontant le cours du fleuve, on laisse sur la droite la cathédrale de Saint-Paul, Somerset-House, la chambre des communes, toute hérissée d’aiguilles de pierre, l’abbaye de Westminster, et sur la rive opposée ne tarde point à se montrer un sombre édifice ayant à la fois un caractère ecclésiastique et baronial. Les profils de très vieux bâtimens éparpillés au milieu des verts feuillages, mais reliés par un mur d’enceinte qui suit le cours de l’eau, tel est à peu près tout ce qu’on distingue de loin à première vue. Cependant le steamer s’arrête, et après avoir touché terre on arrive, en remontant la berge, sur une petite place à gauche de laquelle se dresse la grande porte fortifiée du palais, great gate, une morne façade de brique rouge flanquée de deux hautes tours carrées et crénelées, qui s’avancent fièrement en dehors du mur plein et se montrent percées aux cinq étages d’une étroite fenêtre grillée de barreaux de fer. Cette great gate a été rebâtie en 1490 par le cardinal Morton, et succède à une autre encore plus farouche dont il a été dit « qu’elle était faite pour accueillir les amis et pour repousser les ennemis. » Telle qu’elle existe maintenant, elle me semblait déjà bien assez menaçante dans sa rude beauté féodale, et j’hésitai un instant à soulever le marteau d’une petite porte neuve et très basse découpée en ogive dans la profondeur de la muraille centrale, qui fait retraite entre les deux tours. Un portier vint m’ouvrir : l’informant du but de ma visite, je lui montrai une lettre qui m’avait été adressée de la part de l’archevêque, et qui m’autorisait à visiter l’intérieur du palais. Tandis qu’il lisait et relisait en conscience les termes de cette missive, j’eus le temps de reconnaître autour de moi la figure des lieux. J’étais sous une voûte massive soutenue par quatre robustes piliers plantés aux quatre coins, et du chapiteau desquels se détachent de fines nervures de pierre qui viennent s’entre-croiser à arêtes vives vers le milieu du plafond. A droite s’ouvre la loge du portier, tandis que le vaste écartement de l’arche entre les deux tours laisse apercevoir une première cour extérieure (outer court), connue aussi sous le nom de promenade de l’évêque (Biskop’s walk). C’est en effet une sorte de jardin côtoyé à gauche par un mur recouvert de lierre et bordé à droite dans toute sa longueur par la bibliothèque, autrefois la salle des banquets. Dans tous les détails de ce dernier bâtiment, il