Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/852

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlement, la secte gagna du terrain, et lorsque Cromwell (qui était lui-même un indépendant) eut saisi l’autorité suprême, il fit puissamment reconnaître le principe de la liberté des opinions religieuses. De Charles II à Guillaume III, cette famille de dissidens eut beaucoup à souffrir ; mais à l’époque de la révolution elle reparut, endurcie et fortifiée, comme dit Bossuet, par ses cicatrices. Les indépendans forment aujourd’hui un des grands rameaux du protestantisme anglican. Sous le nom plus moderne de congregationalistes, ils ne le cèdent à aucune autre secte ni en nombre ni en importance sociale.

Quelles sont pourtant les idées qui les distinguent ? Ils refusent d’admettre le principe d’une église nationale : pour eux, ce mot église veut dire simplement une congrégation, et les chrétiens doivent être libres de s’associer entre eux comme ils l’entendent, de telle sorte que tout individu puisse juger et approuver ce qui se fait par la communauté. Dans ce système, l’homme reste toujours maître de ses croyances et ne cherche dans l’union avec les autres hommes que le lien nécessaire pour donner de la force et de la consistance à ses sentimens personnels. En fait d’hiérarchie, les indépendans ne reconnaissent que deux ordres d’officiers religieux, — les évêques et les diacres. Or par évêques ils entendent les prêtres ou pasteurs[1]. Ces derniers n’ont aucun besoin d’une ordination spéciale ; il suffit qu’ils soient appelés par une des églises pour avoir le droit de prêcher et d’administrer les sacremens. L’usage veut pourtant que le ministre nouvellement élu soit inauguré par ses confrères dans un service spécial où il fait devant son auditoire une sorte de profession de foi. Dans le choix du pasteur, chaque église, douée d’une parfaite autonomie, ne se trouve liée par aucune condition de classe ni d’enseignement particulier ; toute personne qui lui paraît capable est dès lors à même de revêtir les fonctions du ministère. Ce principe a toutefois souffert quelques modifications dans la pratique ; comme il y a plus d’avantage à ce que les ministres soient des hommes éclairés, la plupart d’entre eux reçoivent aujourd’hui une éducation préalable dans les nombreuses académies théologiques ou collèges appartenant à la secte. Le droit de prêcher dans les assemblées religieuses ne constitue d’ailleurs point un privilège exclusif ; on encourage au contraire quiconque possède le don de la parole à exhorter la congrégation : ainsi par le fait tout homme est prêtre. Les indépendans refusent au gouvernement le droit d’intervenir dans les affaires religieuses et tiennent à supporter eux-mêmes

  1. Selon eux, ces deux mots qu’on rencontre si souvent dans l’histoire de l’église primitive, — episcopus et presbyter, — désignent une seule et même personne.