Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

distingue, — un chapeau de forme antique, le plus souvent gris perle, une robe couleur sombre sans volans ni garnitures, un châle attaché très haut qui les enveloppe. Tout cela est d’une étoffe excellente et coûteuse, mais qui flatte très peu les yeux. A les voir ainsi vêtues, un étranger les prendrait volontiers pour des sœurs de charité. Les quakeresses mettent à éteindre l’éclat de leur toilette tout le soin que d’autres se donnent pour contrefaire la fortune. Dans la conversation, les amis évitent de parler des membres de leur famille qui ne sont plus : ces absens appartiennent à Dieu et au silence. Sobres au milieu de l’abondance, ils jouissent de la richesse avec modération. Leur domestique est nombreux et bien traité ; les servantes de la maison assistent deux fois par jour, matin et soir, non à la prière, car les quakers ne prient point avec les lèvres, mais à une lecture de la Bible. Ils exercent l’hospitalité avec grandeur et en même temps avec modestie. Cette vie de famille ne serait pas, je le déclare, du goût de tout le monde ; elle a pourtant du charme. C’est le paradis de la tranquillité. Et comment douter que les amis ne soient heureux ? On le voit bien à leur regard clair et limpide. Tout, jusque dans le son de leur voix, annonce la paix de l’âme et l’égalité du caractère.

Les amis tiennent très peu à faire des prosélytes. N’est pas quaker qui veut : je connais une ville du comté de Norfolk où un nouvel adepte s’était mis en tête de porter le chapeau à grands bords et de fréquenter le conventicule ; mais il ne réussit point à gagner la confiance de la secte. On naît quaker, on ne le devient pas ; aussi la Société des amis ne s’accroît-elle guère. On assure même qu’elle décline. Les jeunes quakeresses abandonnent volontiers l’ancien costume pour porter des rubans, des fleurs et même, ô scandale ! des jupons de crinoline. Les jeunes gens de leur côté s’enrôlent parmi les volontaires et osent ainsi porter les armes. Dans les banquets, quelques amis se lèvent maintenant par faiblesse avec les autres convives quand on propose la santé de la reine[1]. Les vieux en gémissent et cherchent à sauver par la dignité de leur maintien l’honneur du quakerisme en danger. Il est d’ailleurs à remarquer que les amis qui se détachent de la société ne se rallient d’ordinaire à aucune autre dénomination religieuse.

Sous le nom général de méthodistes, on désigne en Angleterre une autre secte qui compte de nombreux partisans dans les classes ouvrières. Elle se divise en plusieurs branches, dont les deux

  1. Les vrais quakers, non par un sentiment d’opposition, mais d’accord avec les usages de leur secte, restent assis dans de pareilles occasions. Selon eux, on doit porter dans le cœur le respect des personnes, et non le témoigner par des marques extérieures.