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le meeting d’hommes auquel il appartient ; la fiancée en fait autant de son côté auprès du meeting de ses compagnes. On s’assure alors du consentement des parens et de la liberté des parties contractantes ; si la femme est veuve et qu’elle ait des enfans, on s’occupe de leur garantir des moyens d’existence. Cela fait, les fiancés se présentent devant le conventicule. des amis, qui leur délivrent un certificat de mariage. Les enterremens ont lieu avec la même simplicité : aucune pompe mortuaire, nul appareil de deuil ; on évite même de marquer par une pierre ou par tout autre monument l’endroit de la sépulture. Il est contraire à leurs principes de rétribuer aucune fonction religieuse ; tout homme, selon eux, doit donner gratis aux autres ce qu’il a reçu gratis. La source des aumônes est très abondante et contribue surtout à accroître pour les enfans les moyens d’éducation. Ont-ils d’ailleurs des pauvres parmi eux ? Il est inouï en Angleterre qu’un quaker ait jamais réclamé les secours de sa paroisse. Quand un négociant de la secte est dans de mauvaises affaires, les amis viennent à son aide et l’empêchent ainsi de tomber en faillite. Charitables envers les hommes, ils se montrent bons pour les animaux. C’est un des préceptes de leur doctrine : « ne demande au bœuf que la longueur du sillon qu’il peut tracer sans perdre haleine. » On doit surtout citer comme un modèle des vertus de la secte Richard Reynolds, de Bristol, mort il y a quelques années. Après avoir amassé une fortune princière dans le commerce des fers, il se consacra tout entier aux œuvres de bienfaisance. Ses offrandes n’étaient accompagnées d’aucune signature, il écrivait seulement sur la feuille blanche : « un ami. » Une dame vint un jour réclamer sa générosité en faveur d’un orphelin. « Quand il sera grand, ajouta-t-elle, je lui apprendrai le nom de son bienfaiteur. — Vous avez tort, répondit-il. Nous ne remercions pas le nuage pour l’eau qu’il nous envoie. Apprenez-lui à regarder plus haut et à remercier celui qui donne à la fois le nuage et la pluie. »

Où il faut surtout étudier le quaker, c’est chez lui. Sa maison respire en général un grand air de prospérité. Demandez-lui la cause de cette richesse : il vous répondra que le mérite en est avant tout à l’éducation qu’il a reçue. Dès l’âge le plus tendre, on lui a fait apprécier la valeur du temps. Assurer le bien-être de sa famille est à ses yeux plus qu’un conseil de la prudence ; c’est un devoir religieux. Qu’on ne se méprenne d’ailleurs point sur le caractère de son intérieur ; tout y est d’une élégance sévère ; on n’y voit ni pianos, ni meubles superflus, ni tentures éclatantes. Le grand luxe des quakers, surtout à la campagne, est dans les jardins et dans les plantes rares. Ils ont volontiers une voiture à deux chevaux, mais sans armoiries. Les femmes portent un costume qui les