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engagée solidement dans la bonne voie, l’organisation de toute conquête n’assure-t-elle pas au vainqueur, par les simples progrès de chaque jour, des chances croissantes d’affermissement ?

Au moment où les intérêts de l’Algérie éveillent de hautes préoccupations, il y a une opportunité sérieuse à parler du Djurdjura, car c’est le Djurdjura qui conserve l’essence pure de la nationalité kabyle autochthone à laquelle tiennent de près ou de loin les deux tiers des indigènes algériens ; c’est le peuple du Djurdjura qui garde intacts le caractère, les coutumes de la race, — caractère et coutumes qui offrent avec les nôtres de frappantes analogies et peuvent se prêter à l’œuvre la plus pratique d’assimilation. Veut-on des instincts démocratiques, des tendances égalitaires, l’amour du travail, le goût de fixité au sol, ils sont là. — Rêve-t-on un régime communal à étendre sur l’Algérie, qu’on y regarde ; la commune est l’unité traditionnelle des Kabyles djurdjuriens. — Songe-t-on à établir la propriété indigène sur les bases de la propriété individuelle, nulle part on ne la verra plus divisée, mieux assise que chez les tribus du Djurdjura. — Cherche-t-on enfin s’il est une partie de la population africaine qui soit apte à recevoir notre civilisation et capable de nous en savoir gré, elle est toute trouvée. Voilà bien des raisons pour rappeler que le Tell algérien présente un massif considérable, peuplé d’une race compacte, vaillante, travailleuse, entièrement différente des Arabes, vraiment assimilable avec nous, — qui, sous la main de la France, vit contente de son sort, et dont la constitution ne réclame heureusement plus de nouveaux essais d’administration. Là les succès militaires et politiques de la France peuvent victorieusement supporter tout parallèle avec les divers systèmes des anciens dominateurs du nord de l’Afrique, — et ce n’est point un complément inutile à de premières études sur le présent et l’avenir des Kabyles du Djurdjura qu’un coup d’œil jeté sur leur passé : la vigoureuse permanence de leur caractère ressortira plus saisissante encore de l’étude même de leur histoire.

Les Turcs ont directement précédé la domination française en Algérie ; mais à considérer le prestige de la puissance, l’étendue de l’occupation, la grandeur des moyens militaires, c’est Rome que l’on regarde vraiment comme l’aînée de la France sur le sol d’Afrique. Ce sont toujours ses traces monumentales qu’on nous montre, ses exemples qu’on prône, son système qu’on glorifie. Cependant, soyons justes, lorsque les Romains occupèrent l’Algérie ancienne, ils avaient le singulier privilège de ne plus compter hors de l’Afrique ni ennemis à combattre ni rivaux à ménager ; ils pouvaient s’appliquer sans entraves à pacifier et à coloniser. Quel usage donc Rome fit-elle de sa force et de sa liberté d’action contre le massif