Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/871

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourquoi pas ? Celle de Nababes est confirmée par une inscription que M. le général Pâté a découverte en Kabylie ; celle de Quinquegentiens, plus souvent citée par les auteurs, semble une pure désignation politique : elle signifie en effet les cinq tribus unies, et implique déjà dans une haute antiquité cette sorte de fédération ou kebila qui devait servir d’origine étymologique au nom de Kabyle.

Est-ce sur la foi de cette simple analogie que nous prétendons assimiler les races d’alors et d’aujourd’hui ? Non. Est-il au moins un type kabyle spécial qui, observé jadis, se soit perpétué fidèlement à travers les siècles ? Pas davantage. Depuis l’Arabe au nez aquilin et à l’œil noir jusqu’au Vandale à l’œil bleu, à la barbe rousse, le Djurdjura offre des nuances de traits parfaitement diverses, et nous admettons fort bien que des peuples voisins soient parfois venus, comme les Arabes, mêler leur sang au sang kabyle, que les Vandales, sans avoir dominé dans le Djurdjura, y aient laissé trace de leur passage, et gravé peut-être leur nom dans les noms du village de Tandelest, sur la montagne, et du hameau de Ouandelous, sur la côte. Tous les vaincus de Bélisaire ne furent pas détruits ni emmenés captifs ; ceux qui échappèrent au désastre ne devaient trouver de meilleur refuge que ces crêtes indépendantes, et même une partie des Vandales transportés à Constantinople parvint, dit Procope, « à s’emparer de quelques navires et à débarquer sur une plage déserte d’Afrique, d’où, ayant abandonné leurs vaisseaux, ils se retirèrent sur les monts de l’Aurès et de la Mauritanie, » c’est-à-dire sur les monts des provinces de Constantine et d’Alger. Enfin que des déserteurs des troupes romaines (car Ammien parle de désertions), ou quelques familles de colons fuyant devant les Vandales se soient acclimatés dans le Djurdjura, la chose est possible, et il ne s’agit point de nier que le sang kabyle n’ait été mélangé ; mais qu’importe, si des preuves sérieuses viennent témoigner que les élémens étrangers s’absorbèrent dans une race primitive et vivace dont la fixité est presque restée sans atteinte, et dont la langue, le caractère, la nationalité, se sont transmis inaltérés jusqu’à nous ?

« Aux premiers âges du monde, un roi géant régnait en Arabie sur une vaste contrée montagneuse, lorsque arriva menaçant, au pied de ses montagnes, le prophète Moïse, qui conduisait les Hébreux à la recherche de la terre promise. Devant ces envahisseurs, plus nombreux que les sables de la mer, le roi résolut de s’enfuir en emportant son montagneux empire sur ses épaules. La nuit favorisa sa fuite : à la pointe du jour, ses pas de géant avaient déjà fait des centaines de lieues, quand, épuisé de fatigue, il tomba. Le Djurdjura (car c’était le Djurdjura qu’il portait) l’écrasa de son poids, et du cadavre gigantesque naquit la race qui habita