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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/956

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le relief du sol hérissé de hautes et âpres montagnes, la bravoure indomptable des habitans, les rigueurs d’un climat terrible surtout pendant l’hiver, la difficulté de pourvoir aux besoins et à la subsistance d’une nombreuse armée, tels étaient les obstacles qu’il fallait vaincre et qui ont été surmontés par des efforts persévérons et une énergie de volonté que rien n’a pu lasser. La conquête a marché d’un pas quelquefois ralenti, mais toujours sûr, et lorsque enfin dernièrement le succès l’a couronnée, il y avait soixante-trois ans qu’elle avait commencé. Des guerres conduites pendant un aussi long espace de temps, avec des vues d’agrandissement aussi vastes, aussi fermes, ne se rencontrent dans l’histoire d’aucun des peuples modernes ; il faut, pour en retrouver des exemples, remonter aux époques de la liberté et de la grandeur romaines. Et cependant dans le cours de cette période combien d’événemens sont survenus qui ont attiré ailleurs l’attention, l’activité et les forces de la Russie, qui lui ont suscité des embarras et des dangers ! Et d’abord sa lutte avec la Turquie en 1807, sa coopération aux grandes guerres continentales contre notre premier empire, marquées par les échecs qu’elle subit à Austerlitz et à Friedland, notre invasion de 1812, poussée jusqu’au cœur du territoire moscovite, sa participation aux coalitions de 1813 et 1815 dirigées contre nous, ses campagnes victorieuses de 1828 et 1829 contre la Perse et la Turquie, et en dernier lieu sa lutte contre la France, l’Angleterre, la Sardaigne et la Turquie réunies en Crimée ! Au moment de cette dernière lutte, Schamyl était encore puissant et redoutable dans le Daghestan oriental ; à l’ouest, les tribus tcherkesses avaient à peine été entamées. Les opérations actives de l’armée du Caucase furent alors suspendues ; mais pas un des deux cent mille hommes qu’elle comptait ne put en être détaché, tant les montagnards restaient forts et menaçans, tant la partie engagée contre eux présentait encore des chances incertaines et inquiétantes. La conclusion de la paix de Paris et la nomination du prince Bariatinskii au commandement supérieur des provinces caucasiennes furent le signal de la reprise des hostilités. Abattu par plusieurs défaites successives et épuisé par la résistance si inégale qu’il avait soutenue pendant vingt-cinq ans, Schamyl dut céder et se rendre à discrétion. Le Caucase oriental, sur lequel s’étendait son pouvoir, fut incorporé à l’empire en recevant une nouvelle organisation sous le nom de province du Terek (Terekskaïa oblast).

Dans un précédent travail, j’ai conduit mon récit jusqu’à la captivité de l’imam[1] ; il me reste à raconter les événemens qui l’ont

  1. Voyez sur les événemens antérieurs à la captivité de l’imam la Revue du 15 juin 1860, du 15 avril et du 15 mai 1861.