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d’empêcher le débarquement, mais cet échec ne les découragea pas, et dans la suite elles renouvelèrent plusieurs fois leurs attaques. L’année suivante, un corps de deux régimens d’infanterie, fort de cinq mille hommes, sous les ordres du général Bergmann, prit Ghelendjik au nord, malgré la défense acharnée des Natoukhaïs et des Schapsougs.

Cependant les montagnards virent bientôt que, dans leurs rencontres avec des troupes régulières et disciplinées, s’avançant par masses irrésistibles, ils perdaient beaucoup de monde ; ils changèrent de tactique et adoptèrent un mode de combattre qui leur réussit parfaitement, et dont ils ne se sont plus départis depuis lors. Au lieu de marcher à découvert et par groupes nombreux contre les bataillons qu’on leur opposait, ils eurent recours à un système d’escarmouches, harcelant continuellement les Russes, ne leur laissant ni repos ni trêve, tombant sur les convois et les soldats isolés qui se hasardaient au dehors, épiant du haut des rochers les hommes qui apparaissaient sur le haut des murailles où ils étaient retranchés et les abattant par des coups qui ne manquaient jamais le but.

Entourés de toutes parts d’ennemis sans cesse aux aguets, invisibles, insaisissables, dont le nombre était inconnu, les établissemens russes de la côte furent bientôt réduits à la situation la plus critique ; le pays était sans ressources et ne pouvait fournir aucun approvisionnement. Il fallait transporter par mer d’Odessa, de Kertch ou de Théodosie, chevaux, animaux de travail, bois de construction ou de chauffage, vivres, munitions de guerre, etc., braver les épidémies meurtrières qu’engendre la malaria, pendant les ardeurs de l’été, sur cette côte basse et marécageuse. Malgré ces difficultés et sous le feu incessant des montagnards, les positions de Gagry et de Ghelendjik furent mises en état de solide défense, et d’autres forteresses s’élevèrent successivement ; mais il en coûtait beaucoup pour protéger et garder ces positions. Les garnisons, bloquées dans une enceinte dont elles ne pouvaient, sans artillerie, s’éloigner plus loin qu’à, la distance d’une verste, en proie aux fièvres et au scorbut et à des privations de tout genre, succombaient rapidement, et, suivant l’énergique expression d’un écrivain russe, semblaient se fondre à vue d’œil. Contrariée par les vents d’ouest, qui l’hiver poussent les navires sur les bas-fonds de la côte, et par le courant qui, partant un peu au-dessous de l’ouverture du Bosphore, suit la côte nord de l’Asie-Mineure et remonte le littoral tcherkesse, la croisière ne prêtait qu’une assistance inefficace. Quatre des six positions si péniblement occupées, Ghelendjik, la plus importante de toutes par sa baie, ses fortifications et sa nombreuse garnison, Gagry, Pitzounda, Bambori, furent abandonnées et