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qui le portent à dénoncer la convention de 1843, il semble d’abord qu’aucun dissentiment touchant les principes n’existe entre les deux gouvernemens. En effet, lorsque notre ministre des affaires étrangères déclare que « les états contractans, en pareille matière, ne doivent se demander réciproquement, pour accorder l’extradition réclamée, d’autres preuves que celles qui sont indispensables pour vérifier si les poursuites sont sérieuses, dirigées par le juge compétent et motivées par des crimes communs, » il n’avance aucun principe que le gouvernement anglais et les jurisconsultes de la couronne ne soient disposés à reconnaître et à prendre eux-mêmes pour règle de conduite. Où donc commence le désaccord, et quel est le point sur lequel on cesse de s’entendre ? Il suffit de parcourir le reste de la dépêche du 29 novembre, sans avoir recours à bien d’autres documens dont nous parlerons tout à l’heure, pour s’apercevoir que la difficulté porte exclusivement sur le sens qu’il convient de donner à cette expression de preuves indispensables, et que ce qui est une preuve suffisante aux yeux de l’une des deux parties n’a pas la même valeur aux yeux de l’autre. La dépêche du 29 novembre cite, par exemple, comme un refus injuste opposé à une demande légitime d’extradition, le cas d’un certain Teissier compromis dans l’affaire du Fœderis-Arca. « L’avocat-général du gouvernement de l’Inde et les avocats de la couronne, dit le ministre français, ont déclaré que, pour autoriser l’arrestation et le renvoi en France du fugitif, il aurait fallu joindre au mandat d’arrêt des copies des dépositions déjà reçues dans l’information et dont l’authenticité aurait été attestée par le serment de la personne qui les aurait exhibées, de telle sorte que le magistrat de police de Calcutta pût constater si le fugitif était, prima facie, coupable du crime pour lequel son extradition était réclamée. De telles exigences constituent un obstacle permanent aux succès des demandes d’extradition et diffèrent de la pratique suivie par les autres puissances de l’Europe. » Voilà donc le terrain du débat entre les deux gouvernemens nettement déterminé ; ce qui constitue aux yeux du gouvernement français une preuve suffisante, c’est la production d’un mandat d’arrêt signé par un magistrat compétent, tandis que les Anglais entendent par preuve suffisante l’ensemble des témoignages, donnés par écrit ou de vive voix, qui seraient nécessaires pour envoyer l’accusé devant une cour d’assises anglaise, si le crime avait été commis sous la juridiction britannique, et si l’accusé n’était point réclamé par son gouvernement. En d’autres termes, pour accorder l’extradition, il faut que le magistrat anglais trouve dans l’instruction publique et contradictoire, poursuivie selon l’usage anglais contre l’accusé réclamé, les mêmes indices suffisans de