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affirme unanimement leur volonté de demeurer fidèles. Leurs résolutions, comparées aux diatribes insensées que publiaient peu de jours auparavant les journaux de la ville, montrent bien tout ce qu’il y a de faux courage et de bravade officielle dans l’arrogante attitude des confédérés.


« Considérant que, par la fortune de la guerre et la reddition de la ville, Savannah rentre sous l’autorité des États-Unis…, nous, peuple de Savannah, en assemblée générale, avons résolu :

« Que nous acceptons notre position, et, suivant les termes du président des États-Unis, voulons obtenir la paix en déposant les armes et en nous soumettant au gouvernement national sous l’empire de la constitution, laissant d’ailleurs toute question indécise au pacifique jugement des lois, des négociations et des votes……

« Que d’ailleurs nous ne prenons point le rôle d’une ville conquise qui demande merci à son vainqueur mais que nous réclamons les immunités et les privilèges énoncés dans la proclamation et le message du président des États-Unis et dans la législation du congrès relative à notre situation présente, — et qu’en retour d’une stricte observance des lois des États-Unis nous demandons pour nos personnes et nos biens la protection que ces lois nous accordent……

« Que nous requérons avec respect son excellence le gouverneur de convoquer une convention du peuple de la Géorgie pour décider s’il entend que la guerre continue entre les deux sections de notre pays. »


Tels sont les hommes que l’on représente comme prêts à mourir plutôt que de céder à l’abomination d’une union nouvelle avec les Yankees ! De son côté, le peuple du nord leur tend une main secourable : il veut les soumettre, et non les humilier. Le général Sherman nourrit les habitans affamés de Savannah. La municipalité envoie à New-York le colonel Allen acheter des vivres et des vêtemens payables en riz, sous la garantie de la ville de Savannah. La chambre de commerce de New-York refuse tout paiement et ouvre d’elle-même une souscription ; Boston déjà organise des meetings ; partout on veut contribuer à cette charité fraternelle. Ce pardon généreux est en même temps une politique habile : la cité reconquise, à mesure qu’elle reprendra vie, deviendra comme un foyer d’unionisme. La vieille rivalité de Charleston et de Savannah pourra être utilement exploitée. Quand son port sera rouvert, quand son commerce refleurira, quand de toutes parts les produits agricoles du sud afflueront sur ses marchés, Savannah s’applaudira d’avoir changé de maîtres et verra avec joie la jalousie de sa rivale ruinée. La Géorgie suivra l’exemple de sa métropole commerciale, et le gouverneur Brown se décidera enfin à mériter les accusations qu’on ne lui épargne pas à Richmond.

On lui reprochait récemment, dans le congrès rebelle, d’avoir