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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/168

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Quelques sociétés poussent la générosité jusqu’à ce point. Le plus grand nombre se contente de faire bonne mesure et de fournir de bonnes marchandises, réservant aux seuls associés le droit de se partager les dividendes ; mais à ce compte qui ne voudra être associé, surtout s’il suffit d’obtenir son affiliation sans bourse délier, ou en ne payant qu’un droit d’entrée insignifiant, et de compléter ensuite son apport social à l’aide de ses dividendes ? Cette combinaison est peut-être la seule au monde qui fournisse un moyen honnête d’amasser de l’argent sans risque et sans travail. Les ouvriers non-associés se promettront de le devenir, et en attendant ils se fourniront aux magasins coopératifs. Ils les choisiront aussi de préférence par esprit de corps, et parce qu’ils compteront avec raison sur leur exacte probité. La vente au public avec participation immédiate des nouveaux associés aux bénéfices de la vente peut donc être considérée comme un excellent moyen de propagande qui dispense de tous les autres, notamment des grands étalages, des magasins splendides, de l’affichage et de la publicité dans les journaux.

Cette participation des acquéreurs aux bénéfices sera d’autant plus utile à la société qu’elle se fera par grosses sommes, c’est-à-dire par distributions semestrielles ou trimestrielles, au lieu de se faire tout simplement au jour le jour et à mesure de la vente. On comprend en effet que si la société, qui achète au prix du gros, vend en détail au prix de revient, elle fait directement et immédiatement cadeau, à chaque acheteur du bénéfice du marchand. Il est clair que, si elle agit ainsi, elle écrasera toutes les concurrences, car aucun marchand ne s’amusera à donner son temps et à courir des risques pour ne rien gagner ; mais la société elle-même, que gagnera-t-elle à rechercher, en vendant aux non-associés, une clientèle plus étendue, si elle distribue immédiatement son bénéfice ? Elle ne gagnera que d’opérer sur de plus grandes quantités. Et que gagneront les cliens ? Une économie sur les dépenses de chaque jour, c’est-à-dire un peu plus de bien-être, voilà tout. C’est quelque chose, surtout pour les familles malaisées, mais c’est une amélioration plutôt qu’une transformation. Si au contraire la vente se fait aux prix courans du commerce avec distribution trimestrielle des bénéfices entre les acquéreurs au prorata de leurs achats dans le magasin, la société ne retient pas plus d’argent, les acquéreurs n’en reçoivent pas plus de leur côté, et pourtant tout est changé par le simple fait que les bénéfices, au lieu d’être abandonnés par la compagnie au fur et à mesure de la vente, ont été retenus pendant un trimestre, capitalisés et distribués à la fois de manière à former une somme relativement importante. Rien de plus simple que le moyen d’exécution, car il consiste à donner au chaland, en même temps que la marchandise, un jeton