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ouvriers des grandes villes ont relativement un développement intellectuel remarquable. Plusieurs causes y ont contribué. Ils touchent de forts salaires, et la jouissance d’une certaine aisance fait naître le désir de s’instruire. La race est énergique, active, douée d’une grande spontanéité et d’une remarquable aptitude pour l’association. De là sont nées ces institutions de tout genre : sociétés de secours mutuels, sociétés coopératives, sociétés de lecture, clubs et réunions, qui ont tant fait pour répandre les lumières parmi le peuple. En outre les moyens de s’instruire abondent. Les manufacturiers généreux et bien inspirés, les sectes rivales, les négocians enrichis ouvrent à l’envi des écoles. Malheureusement à côté des localités favorisées où l’instruction est très répandue, il en est d’autres où règne une ignorance dont on ne peut se faire une idée. La récente enquête sur le travail des enfans a révélé à ce sujet des faits si affligeans que l’Angleterre entière en a frémi de honte et de remords, comme à la vue d’un mal caché qui aurait déshonoré cette société si brillante et si prospère, et de toutes parts a retenti le mot réforme. Ce mot du reste, même en une matière si délicate, ne devrait effrayer personne, car pour améliorer le régime existant l’Angleterre ne devrait rien emprunter à l’étranger ; il lui suffirait de prendre à l’Écosse et à l’Irlande ce qui s’est fait de bon dans ces deux pays.


II

L’organisation de l’enseignement primaire en Écosse remonte, je crois, plus haut que partout ailleurs. Elle date d’un acte de Jacques VI portant que dans chaque paroisse il sera établi une école publique avec un maître capable d’enseigner, le tout aux frais des paroissiens, proportionnellement à leur nombre et à leur richesse. Le principe fondamental était posé ; l’instruction du peuple était proclamée un service public auquel chacun est tenu de concourir par l’impôt. Un acte du parlement de 1696 compléta le système et régla tous les points d’application. L’école est soumise à l’église presbytérienne, religion d’état de l’Écosse. Le minimum du salaire de l’instituteur est fixé ; les propriétaires sont tenus de se réunir pour voter les fonds nécessaires, et s’ils ne le font pas, les commissaires répartiteurs des taxes lèveront d’office l’impôt scolaire. C’est à cet acte si simple dans sa forme que l’Écosse dut sa civilisation et sa prospérité. La nature ne l’avait point comblée de ses faveurs. Un sol rude, granitique et pauvre, un climat si froid et si humide que les fruits n’y mûrissent guère et que l’avoine est la