Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satisfaisans en Angleterre qu’en France : les relevés faits dans les paroisses montrent que plus du tiers des conjoints sont complètement illettrés, et les différentes enquêtes ont révélé parfois un tel degré d’ignorance qu’on trouverait difficilement ailleurs des exemples aussi affligeans.

Les vices du système anglais sont nombreux, et on ne les conteste plus depuis que la dernière enquête de 1858-1861 les a mis en pleine lumière. Le bureau central de l’enseignement, obligé de faire des contrats particuliers et d’entretenir des rapports administratifs avec six ou sept mille directions d’école, est surchargé de travail et ne peut exercer une influence suffisante sur les progrès de l’instruction. Le subside parlementaire se répartit d’une manière extrêmement inégale et souvent en raison inverse des besoins. Un district entier manquerait d’école, l’état ne pourrait rien pour diminuer le mal, car il n’a nulle initiative : il ne peut venir en aide qu’aux établissemens déjà existans. Il s’ensuit que les subsides qu’il accorde se répandent extrêmement peu dans les campagnes. Les localités aux besoins desquelles l’initiative privée a déjà pourvu reçoivent beaucoup, celles où tout est à créer ne reçoivent rien[1]. Comme les écoles sont dirigées par les ministres des cultes et que l’enseignement religieux y occupe une très grande place, chaque secte est obligée d’entretenir des maîtres et d’organiser une institution à son usage. Or il arrive toujours que, dans telle ou telle localité, le nombre des dissidens est trop restreint pour en faire les frais. Les enfans sont ainsi privés d’instruction ou n’en reçoivent qu’une très médiocre. Si l’état devait accorder ses subsides à toutes les paroisses en proportion de leur population et de leurs besoins, on estime que la dépense totale s’élèverait à 100 millions de francs au moins. Sans doute ce sacrifice, quelque énorme qu’il puisse paraître, serait loin d’être exorbitant, puisqu’il n’atteindrait pas encore ce que les états les plus jeunes de l’Union américaine consacrent à l’instruction primaire ; mais à ce prix même il est reconnu qu’on n’arriverait pas à des résultats satisfaisans : c’est le système tout entier qui devrait être modifié.

Certains faits ont pu à cet égard faire illusion. Ainsi les

  1. Voici quelques chiffres empruntés à l’enquête de 1861 et qui donneront une idée de l’imperfection du système anglais. Dans le diocèse d’Oxford, il n’y a que 24 paroisses sur 339 dont les écoles pauvres jouissent d’un subside de l’état. Dans d’autres comtés, on trouve la proportion suivante : dans l’Herefordshire et dans le Somerset, 1 sur 280 ; dans le Devonshire, 2 sur 245 ; dans le Dorset, 10 sur 179 ; dans la Cornouaille, 1 sur 71. Sir John Pakington cite 4 paroisses pauvres de Londres qui, avec une population de 138,900 âmes, ne reçoivent qu’un subside de 12 liv. st., tandis que 4 paroisses riches, ne comptant que 50,000 habitans, obtiennent de l’état 3,908 liv. st.