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marchandises s’y fait plus vite, par cela même qu’il est plus divisé. Il faut en outre remarquer que les principales villes anglaises, particulièrement Londres et Liverpool, peuvent recevoir directement par mer une partie des approvisionnemens et des marchandises brutes qui leur sont destinées, ce qui dégage d’autant la circulation encombrante sur les chemins de fer, et permet d’organiser, dans les deux sens de l’aller et du retour, un mouvement à peu près égal de transports : condition qui est très avantageuse pour le service et qui n’existe pas au même degré en France. A Paris, les gares voient arriver, en produits bruts, un tonnage incomparablement plus fort que celui qu’elles expédient en articles manufacturés. Rappelons d’ailleurs qu’en Angleterre les gros transports de matières minérales se font de préférence par les wagons des expéditeurs, les compagnies n’ayant à exécuter que la traction, qui est la partie la moins compliquée du service ; il y a donc là toute une catégorie de transports pour laquelle les compagnies sont délivrées des formalités d’écriture, de chargement, de déchargement, du camionnage, qui contribuent le plus à allonger les délais. En résumé, les chemins de fer anglais ont sur les chemins de fer français l’avantage d’un trafic plus régulier : les compagnies anglaises ont un service plus facile ; on s’expliquerait donc que, même à prix égal, le transport des marchandises s’accomplît avec plus de célérité en Angleterre qu’en France.

Ce n’est pas tout : les compagnies anglaises jouissent d’une complète liberté d’action pour leur service, tandis que les compagnies françaises sont pour, chaque détail soumises à la plus stricte réglementation. C’est ici que l’on observe combien l’organisation des chemins de fer est différente dans les deux pays. En Angleterre, les compagnies peuvent se dispenser d’exécuter les transports, leur charte de concession ne les obligeant qu’à établir les voies ferrées et à livrer passage sur leurs rails à quiconque veut en user moyennant un droit de péage. Si elles consentent à faire l’opération du transport, elles ne sont tenues de l’accomplir que dans un délai raisonnable, terme vague qui se prête à toutes les interprétations ; quant au prix, elles peuvent dépasser le maximum officiel par l’addition de certaines taxes que la loi autorise, sans en fixer le chiffre, pour la manutention des marchandises. Il leur est loisible de passer tous traités de transport, de modifier leurs tarifs à quelque époque qu’elles le jugent convenable, sans être astreintes à aucune formalité d’autorisation administrative, ni à aucun délai. En France au contraire, les compagnies ont l’obligation absolue de recevoir toutes les marchandises qui leur sont remises, de les transporter dans un délai déterminé et moyennant un tarif qui n’admet aucune addition. Elles ne peuvent relever les tarifs, même en demeurant