Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

totalité des transports s’effectue aux conditions de ces tarifs spéciaux, de telle sorte que le prix moyen perçu par les compagnies pour les céréales est inférieur de moitié environ au prix exceptionnel que le gouvernement s’est réservé la faculté de prescrire pendant les périodes de disette. Veut-on savoir ce que représente l’économie résultant de ces abaissemens de taxes ? En 1847, la ville de Vesoul fit à Marseille des achats de blé dont le transport, sur un parcours de 670 kilomètres et aux prix du tarif alors en vigueur, ne coûta pas moins de 174 francs par tonne, soit 14 francs 75 centimes par hectolitre. La même opération, avec les tarifs actuellement appliqués sur les réseaux de la Méditerranée et de l’Est, ne coûterait plus que 33 francs 55 centimes par tonne, ou 2 francs 79 cent, par hectolitre, c’est-à-dire moins du cinquième du prix de 1847. Aussi voyons-nous par les statistiques des compagnies que les transports de céréales ont atteint des chiffres très élevés. De 1861 à 1864, ils comprennent, année moyenne, 30 millions d’hectolitres. C’est près du tiers de la consommation totale de la France. Grâce aux chemins de fer et à leurs tarifs, les effets des disettes peuvent être le plus souvent conjurés ; l’égalité du prix du blé s’établit entre toutes les régions du territoire ; l’importation de l’étranger est devenue facile et presque instantanée, de même que pendant les années d’abondance l’exportation peut, au premier signe du télégraphe, entraîner vers les contrées voisines une partie de l’excédant de la production, arrêter l’avilissement des cours ou du moins le rendre moins brusque et moins pénible pour l’agriculture.

De même pour les bestiaux. Malgré l’encombrement et les difficultés particulières que présente cette catégorie de transports, les compagnies n’ont pas hésité à entrer largement dans la voie des réductions de taxes en combinant des tarifs spéciaux, variables selon la distance parcourue, selon le mode de chargement et selon l’importance des expéditions. Qu’il nous suffise d’énoncer, sans multiplier les chiffres, que dans bien des cas les taxes perçues descendent au quart du tarif légal, et que les transports ont été organisés dans des conditions de vitesse exceptionnelle, notamment pour l’approvisionnement de Paris. Il a été ainsi transporté en 1863 plus de 4 millions de têtes de bétail sur les lignes exploitées par les six grandes compagnies, et sur ce nombre on compte environ 1,500,000 têtes qui ont été amenées sur le marché parisien. Nous ne parlons pas des viandes fraîches ni du gibier, qui figurent dans les relevés statistiques pour des quantités considérables. Quelle ressource pour l’agriculture que ce débouché tout récemment ouvert à l’un de ses principaux produits ! quelle économie de frais de transport pour une denrée qui était antérieurement d’une