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circulation si difficile et si lente, et qui perdait en route une partie de sa valeur ! quel profit pour le consommateur, à qui les chemins de fer procurent non-seulement un approvisionnement régulier, provenant de la culture nationale, mais aussi les bestiaux et les viandes achetés à l’étranger, jusqu’en Hongrie !

Il serait aisé de multiplier les exemples en montrant à quels prix, inférieurs à ceux des tarifs anglais, les compagnies françaises transportent la houille, la marne, les engrais, et en signalant à chaque point du territoire l’influence féconde que les chemins de fer exercent sur la richesse publique. Quelle conclusion doit-on tirer de cet état de choses ? C’est que les compagnies, loin de s’en tenir purement et simplement aux termes de leurs contrats, n’ont jamais cessé de faire des concessions de tarif en vue d’accroître les transports ; c’est qu’elles ont étudié avec persévérance les combinaisons les plus propres à réaliser l’économie d’abord, puis, autant que leurs moyens d’action le permettaient, la célérité de la circulation mercantile ; c’est, en un mot, que sous le régime qui leur a livré le soin d’exploiter les voies ferrées, le progrès a été constant et rapide. Il y aurait autant d’aveuglement que d’injustice à opposer la critique et le dénigrement à des résultats qui sautent aux yeux, et que ne sauraient infirmer quelques imperfections de détail.

Il vaut mieux assurément rechercher s’il ne serait pas possible d’accélérer ce mouvement de progrès et de faciliter davantage la baisse des tarifs. Sur ce point, nous observons dans le système actuel deux dispositions qui nous semblent absolument contraires au but que l’on doit se proposer. Il s’agit, en premier lieu, de l’interdiction qui est faite aux compagnies de relever, avant le délai d’un an, les tarifs qui ont été abaissés. La commission d’enquête de 1862, après avoir entendu les opinions contradictoires, s’est prononcée pour la diminution de ce délai, qui est excessif. On veut, dit-on, empêcher par ce moyen les compagnies de réduire leurs taxes dans la seule pensée de ruiner une concurrence, sauf à les relever ensuite, et plus haut encore, lorsque la concurrence, écrasée par une force supérieure, aura succombé. Ce sont les canaux que l’on prétend défendre contre les chemins de fer, et quand on parle ainsi de concurrence, on oublie que le gouvernement a tout fait au contraire pour susciter contre les voies ferrées la concurrence des canaux, dont il a racheté une partie pour réduire presque à néant les péages que les anciens concessionnaires auraient maintenus. Nous ne croyons donc pas qu’il convienne de se rendre à l’objection, surtout quand on traite avec de grandes compagnies qui ont un intérêt moral à sauvegarder, qui n’iraient certainement pas risquer leur considération dans une lutte de concurrence déloyale, et