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mêlais des calculs mercantiles, tels que l’huile et les fanons de baleine, les peaux de morses ou de rennes, la graisse de phoque, les dents de narval, les pelleteries, le graphite d’Upernavik, à des questions scientifiques : ce serait comme si l’on mettait au nombre des argumens en faveur d’une expédition à la Nouvelle-Guinée les plumes des oiseaux de paradis et les nids de salanganes. Non, je n’invoque en faveur de l’expédition que les intérêts de la marine et de la géographie. L’importance de ces intérêts est attestée par le doyen des voyageurs arctiques, le général Sabine ; il voudrait que l’on mesurât dans le nord de l’Amérique un arc du méridien terrestre pendant que les Suédois se préparent à faire la même opération au Spitzberg, il voudrait que l’on y continuât les expériences sur le pendule et les observations magnétiques qu’il a si bien commencées : ce serait l’occupation des savans qui resteraient au cap Parry pendant la tentative faite pour atteindre le pôle.

« Espérons que les lords de l’amirauté céderont à la pression de l’opinion publique, éclairée par les cinq premières sociétés savantes de Londres, la Société royale, celle de géographie, la Société géologique, la Société ethnologique et la Société linnéenne. L’amirauté n’hésitera pas à profiter de cette occasion pour réveiller le génie de la marine britannique, engourdie par les loisirs de la paix et les erremens de la routine. Des explorations arctiques seront plus efficaces à ce point de vue que les petites guerres du Japon et de la Chine. La marine militaire de l’Angleterre n’a pas pour unique mission de tirer des coups de canon ; la guerre n’est pas l’unique moyen d’acquérir de la gloire ou de former des équipages et des officiers. Les officiers de la marine anglaise ne désirent pas la guerre, mais ils veulent être employés activement et utilement, et quand je demande que 120 hommes soient distraits des 50,000 que la nation fournit annuellement, il me semble qu’on ne saurait me taxer d’être trop exigeant. »


À la suite de cette communication, le président de la Société de géographie, sir Roderick Murchison, prit la parole pour appuyer la proposition du capitaine Osborn, et l’amiral sir Edward Belcher, le commandant de l’escadre des mers arctiques en 1852, ajouta que sur les îles du canal de Smith il avait vu le 20 mai, par 78° 10′ de latitude, des traces et des cornes de rennes, ainsi que des oiseaux qui se dirigeaient vers la pleine mer. La glace était partout en mouvement, et cependant plus au sud, dans le détroit de Barrow, la débâcle n’a jamais lieu avant la fin d’août. La glace marine est prédominante dans les mers polaires, circonstance favorable pour les courses en traîneaux.

Le capitaine Inglefield, commandant du Phœnix en 1853 et 1854, témoigne de son côté avoir également trouvé au nord du canal de Smith une mer libre de glaces aussi loin que la vue pouvait s’étendre ; il pensait donc qu’il serait possible d’arriver au pôle avec un navire ou des embarcations. Enfin le capitaine Richards, compagnon de voyage d’Osborn, déclaré qu’il est prêt, comme son ami, à retourner dans les régions polaires, et comme lui il sait que quant