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degré la viabilité du département, devaient recevoir des allocations départementales votées par le conseil-général, et étaient placés sous l’autorité directe du préfet. Telle fut en germe la division encore en vigueur de la vicinalité en chemins ordinaires, chemins d’intérêt commun et chemins de grande communication. Ces derniers durent seuls, dans le principe, participer aux subventions du conseil-général, mais peu à peu et à mesure que ce réseau, le plus important des trois, fut plus avancé, les mêmes encouragemens furent accordés d’abord aux chemins de la seconde catégorie, ensuite à ceux de la première.

Si l’on considère qu’au moment où cette loi fut votée tout était à créer, organisation du personnel et organisation des travaux, on ne s’étonnera pas que les progrès aient été lents pendant les premières années. L’une des ressources les plus importantes de la vicinalité est la prestation en nature, impôt assez léger, à porter pour les populations des campagnes, mais difficile à mettre en œuvre. Avant que le personnel des agens-voyers ait pu être convenablement recruté et suffisamment dressé aux travaux de ce genre, l’exécution des chemins était souvent abandonnée à l’arbitraire, et la main-d’œuvre des prestataires était à peu près perdue faute d’une direction intelligente. À notre époque, où l’on parle beaucoup de décentralisation, on remarquera que la loi du 21 mai 1836 a décentralisé d’une façon presque absolue le service de la voirie vicinale, puisque les ressources dont elle fait usage sont votées par les conseils-généraux et municipaux et employées par l’autorité départementale. Il s’agit pourtant, on le verra plus loin, d’une somme de dépenses d’une importance considérable. Si cette décentralisation, commandée au reste par la nature des choses, eut dans l’origine des inconvéniens au point de vue de la régularité du travail, on ne peut douter qu’elle n’ait eu la plus sensible influence sur la marche ultérieure de l’œuvre en lui assurant le concours empressé de tous les coopérateurs qui voyaient dans les travaux de ce genre une entreprise d’intérêt local et parfois même d’amour-propre communal. D’ailleurs il est à peine besoin d’observer que l’uniformité d’exécution n’eût jamais été nécessaire ni même utile dans la construction de voies de communication destinées à desservir des pays d’aspect bien différent. D’un département à l’autre, on n’avait pas les mêmes ressources, les mêmes besoins ; la diversité du tracé, des pentes, des ouvrages d’art, était commandée par les conditions locales et la nature propre de chaque contrée.

Voyons maintenant quels résultats ont été obtenus par la loi de 1836. D’abord, au point de vue financier, les ressources affectées à la voirie vicinale se sont élevées graduellement de 44 millions en 1837 à 120 millions en 1864. Pendant ces vingt-huit années, le