Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et l’on ne sait par où commencer ; dans le second, il y a défaut de concours de la part de la majorité des communes. Avec une somme si considérable, — car il faut toujours compter par millions, — les opposans diront qu’on pourrait doter la contrée de tout ce qui lui manque, créer ou améliorer tous les établissemens locaux dont le besoin se fait sentir, distribuer sur la surface entière du pays une foule de petits travaux utiles qui satisferaient tout le monde. N’est-il pas injuste, ajoutera-t-on, d’enfouir la somme entière en un seul arrondissement pour le bénéfice de deux ou trois petits chefs-lieux et de s’exposer à ce que leurs voisins réclament longtemps en vain des travaux plus modestes, mais plus utiles ?

Si les promoteurs des nouveaux chemins triomphent de ces oppositions, ils seront amenés sans doute à conclure que les projets ne peuvent être uniformes pour tous les départemens, et doivent varier suivant les ressources financières aussi bien que suivant les conditions topographiques de chaque région. Aux pays riches et de grande industrie, les chemins à large voie, comme en Alsace, avec leurs coûteux travaux et leur service régulier ; aux cantons ruraux, les chemins de fer tout à fait économiques. En chaque cas, le problème à résoudre est de mettre en regard la dépense nécessaire de chaque système de transport et la recette probable de l’exploitation. Par malheur, les devis de travaux publics sont toujours, on le sait, une approximation lointaine de la dépense réelle. Quant à la recette, elle est encore plus sujette à révision. Lorsqu’on aura compté tous les colis qui passent sur une route de terre et supputé le tonnage des produits que chaque commune traversée exporte, sera-t-il prudent d’attribuer tout ce trafic au chemin de fer parallèle à la route et de supposer que toute matière à transporter prendra la voie ferrée au point le plus proche de son parcours ? Faudra-t-il compter parmi les futurs cliens de l’entreprise tout individu qui se montre sur la route, à pied ou en voiture ? Non, sans doute ; mais d’autre part le bas prix du transport peut déterminer un accroissement de circulation. Supposons cependant que ces calculs de recettes et de dépenses aient été faits au plus juste, en sorte que l’on connaisse assez bien les bases financières de l’entreprise. On peut affirmer que si le chemin projeté a besoin alors d’une subvention considérable, c’est qu’il est mauvais en principe, et que le projet sera d’autant meilleur et d’autant mieux approprié aux besoins qu’il doit desservir que la subvention gratuite qu’il réclame sera plus faible. En résumé, l’établissement de ces petits chemins d’embranchement doit être le plus souvent une entreprise viable par elle-même, une affaire industrielle rémunératrice des capitaux qu’elle emploie, ou l’œuvre intelligente des propriétaires les plus