Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/540

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le général Grant a tracé des quinze derniers mois de la guerre, une magnifique page d’histoire militaire que les hommes du métier chez nous étudieront sans doute avec intérêt ; le rapport de M. Welles, le ministre de la marine, sur les opérations navales et les armemens maritimes des États-Unis, récit et exposé également remplis des plus utiles enseignemens techniques ; le mémoire de M. Mac Culloch sur la situation financière, si curieux par l’idée qu’il donne des prodigieuses ressources de la république et si recommandable par ses conclusions en faveur d’une prompte restriction de la circulation du papier-monnaie ; un autre rapport, également instructif au plus haut degré, du quartier-maître général de l’armée, où est présentée la statistique écrasante de toutes les ressources en matériel d’armes, en chevaux, en équipemens, en vivres, en chemins de fer, en lignes télégraphiques, que le gouvernement américain a pu mettre pendant la guerre à la disposition de son armée. Il est impossible d’ailleurs de prolonger cette énumération, dans laquelle il faudrait comprendre les exposés des généraux Thomas, Howard, Schurtz, sur les contingens nègres employés dans les armées fédérales et sur la situation des affranchis dans les états du sud.

Il y a une rencontre qui mérite d’être signalée entre la prochaine réouverture des discussions parlementaires et une publication toute récente qui comble une lacune dans la littérature politique de notre pays. Nous faisons allusion aux discours d’un noble et éloquent ministre de la restauration, M. de Serre, discours réunis pour la première fois par son fils. Ce livre, nous en sommes sûrs, fera les délices de tous ceux qui en France portent intérêt au laborieux enfantement de la liberté politique. Il n’y a pas eu dans les affaires publiques de notre pays de nature plus élevée et plus honnêtement sympathique que M. de Serre. Nous n’avions fait encore qu’entrevoir dans les conversations de ses contemporains cette belle figure, probe, émue et souffrante. Il a laissé non-seulement chez ceux qui l’ont connu de près, mais chez ceux qui ne l’ont vu qu’à la tribune, dans sa robe de garde des sceaux, une impression imposante à la fois et attachante. Nous nous en fions même plus volontiers sur la vérité de cette impression aux souvenirs de ceux qui le regardaient des rangs du public qu’à la tradition de ceux qui étaient ses amis politiques ; comme il n’y a guère d’amitiés politiques sans froissemens, les amis sont rarement des témoins assez désintéressés. Il suffit de lire les discours aujourd’hui publiés pour être convaincu de la vérité des témoignages que la tradition nous avait transmis sur la noblesse d’âme et le généreux talent de M. de Serre. Les situations sont bien changées depuis sa mort ; il est inutile de dire que les points de vue que son temps justifiait ne peuvent plus en grande partie être les nôtres : la part faite à la différence des époques et à la marche des choses, nous n’hésitons point à dire que M. de Serre restera l’un des plus beaux ornemens de la grande famille libérale française. À lire aujourd’hui ces pages encore toutes palpitantes du sentiment intense de la liberté régulière