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Le roi Henri VIII et son tout-puissant ministre le cardinal Wolsey n’étaient pas cette fois disposés à rejeter le projet d’une invasion, comme ils l’avaient fait cinq mois auparavant. Depuis quelque temps, ils s’étaient singulièrement refroidis à l’égard de Charles-Quint. A partir de l’expédition manquée de 1523 et surtout du siège de Marseille levé en 1524, les liens de leur amitié s’étaient plus que relâchés. Ils accusaient l’empereur de n’avoir tenu aucun des engagemens qu’il avait pris ; ils lui reprochaient d’avoir seul profité de l’alliance à l’aide de laquelle il avait recouvré Fontarabie et était devenu victorieux en Italie, d’avoir reçu d’eux des sommes qu’il n’avait pas rendues, de les avoir privés des pensions qu’ils tiraient de la France, et d’avoir fait rompre en pure perte le mariage de la princesse d’Angleterre avec le dauphin de France. Ils attribuaient au duc de Bourbon l’échec subi devant Marseille, et ne voulaient plus entendre parler de donner un denier pour des entreprises à leurs yeux également onéreuses et inutiles.

Aussi Wolsey avait fort mal reçu Beaurain, qui était venu en Angleterre, au mois de novembre précèdent, proposer de la part du duc de Bourbon, d’accord avec l’archiduc Ferdinand, d’attaquer, entre la Lorraine et la Franche-Comté, la France, alors dégarnie de troupes, avec une armée que le duc lèverait en Allemagne, et que le roi d’Angleterre solderait en fournissant 200,000 écus d’or. Il s’était même servi d’expressions offensantes et grossières, et il avait dit « que l’empereur était un menteur, l’archiduchesse Marguerite, une ribaude, l’archiduc Ferdinand un enfant, et le duc de Bourbon un traître[1]. » Accusant Charles-Quint d’aspirer à la monarchie universelle de l’Europe, il avait ajouté que le roi son maître devait s’opposer à une pareille ambition[2]. Beaurain n’avait pas pu voir Henri VIII, et Wolsey avait défendu à sir John Russell de remettre à l’armée impériale, dans ce moment dénuée de tout, l’argent qu’il avait porté en Italie. L’irrité cardinal avait même engagé des négociations avec la régente de France.

Le président Brinon, chancelier d’Alençon, et l’Italien Jean-Joachim Passano, sieur de Vaulx, ambassadeurs de Louise de Savoie, s’étaient rendus auprès du cardinal pour traiter d’un accord entre la France et l’Angleterre. L’accord se serait conclu, si le prix auquel

  1. « His majestie seyd also that your grace hath namyd hym to be a lyar, observing no man off faith or promesse, mylady Margarete a ribauwde, don Fernando his brodyr a childe and so governide, the duke of Burbone a treature, and this reporte was browght by M. de Bewreyne. » — Dépêche de Tunstall, évêque de Londres, de Wingfeld, chancelier de Lancastre, et de Sampson, ambassadeurs d’Angleterre, au cardinal Wolsey, de Tolède, le 2 juin 1525. — Cott. mss., Vespasien, C. III, f. 55.
  2. « … The effect was concerning the emperor’s aspyring to the monarchie and the impechement off the same to be made by the king’s Highness with your graces advysement and ayde. » Ibid.