Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

années de bon marché, elle s’est précipitée à la suite des années de disette. D’ici à la fin du siècle, la production moyenne s’augmentera sans doute de 50 nouveaux millions d’hectolitres, car il n’y a pas de sol plus propre que le nôtre à la culture du blé, et cette progression subira les mêmes intermittences que par le passé, un peu adoucies par la liberté du commerce et non supprimées.

Depuis dix ans, l’étendue cultivée en blé s’est accrue de près d’un million d’hectares. De 6 millions d’hectares ensemencés en 1857, on s’est élevé à près de 7 millions en 1863, et de 90 millions d’hectolitres en moyenne la récolte a passé à plus de 100. Cette extension s’explique par les hauts prix de cette période, mais il est maintenant évident qu’on a été trop vite, la consommation n’a pas eu le temps de suivre le progrès de la production. Que faut-il donc faire ? Non renoncer à la culture du blé, ce qui est absurde, mais réduire provisoirement ses emblavures, d’un cinquième par exemple, et attendre en toute confiance le résultat infaillible de cette réduction.

La consommation fait des progrès continus, mais ces progrès sont eux-mêmes soumis à des intermittences par suite des causes générales qui agissent sur la marche de la population et de l’aisance publique. Ce qui prouve les progrès accomplis, c’est qu’une réserve qui était autrefois excessive ne suffit plus aujourd’hui. Ainsi il suffisait, dans les premières années de la restauration d’une récolte de 60 millions d’hectolitres pour faire tomber les prix à 15 ou 16 francs : c’est ce qui est arrivé en 1822, 1823,1824, 1825 et 1826 malgré l’échelle mobile ; aujourd’hui une récolte de 75 millions d’hectolitres, comme celle de 1861, amène une hausse considérable, parce qu’elle laisse un énorme déficit. C’est que depuis quarante ans la consommation moyenne a presque doublé. Ce progrès s’est ralenti dans ces dernières années par suite du temps d’arrêt survenu dans le progrès de la population ; laissons les choses reprendre leur cours naturel, et une récolte de 110 millions d’hectolitres, qui écrase aujourd’hui les prix, deviendra elle-même insuffisante dans un temps donné.

On peut d’autant plus revenir sur ses pas que l’extension donnée aux emblavures depuis dix ans a été le plus souvent obtenue aux dépens d’autres cultures non moins utiles. L’étendue du sol cultivé n’a pas beaucoup changé dans cette période ; ce qu’on a gagné pour le blé, on a dû le prendre sur autre chose. Quand on a mis du froment à la place du seigle par exemple, on a eu raison, à la condition toutefois que le sol fût en assez bon état pour que le froment y rapportât plus que le seigle ; mais quand on a étendu la sole de froment aux dépens des cultures fourragères, on a eu