gées de troupes. Lorsque le transport de l’état l’Eure eut englouti dans ses flancs cinq cent cinquante hommes et deux cents animaux, il leva l’ancre et longea la côte, le cap au nord. Appuyés sur les bastingages, les contre-guérillas regardaient s’enfuir les terres chaudes dominées par la cime imposante du pic d’Orizaba. A travers la brume qui envahissait peu à peu l’horizon, chacun revoyait par la pensée et non sans émotion ce pays mystérieux et plein de dangers qu’on avait tant de fois parcouru, ces sentiers où l’on avait souffert ; mais à ces sensations mêlées presque de regrets s’ajoutait encore un sentiment de fierté légitime. N’était-ce pas le pauvre partisan qui, par ses courses hardies, avait secondé l’action française dans une partie importante de l’état de Vera-Cruz ? Sa tâche était accomplie. Aussi, dès que la côte eut disparu dans le brouillard, le passé s’effaça, et les contre-guérillas, couchés sur le pont, ne parlèrent plus que de l’avenir. A l’idée de l’inconnu, tous les instincts des aventuriers se réveillaient. L’inconnu s’appelait Tamaulipas ; c’était un pays presque ignoré des Français, que des sites étranges, une population belliqueuse recommandaient suffisamment à l’ardeur entreprenante d’une troupe de partisans. L’état de Tamaulipas est la large bande de terres chaudes qui succède à l’état de Vera-Cruz sur le golfe du Mexique, et qui s’étend sur un espace de cent-cinquante lieues jusqu’à la frontière des États-Unis.
Après quarante-huit heures de traversée, l’Eure avait remonté de quatre-vingt-dix lieues environ au nord, et jetait l’ancre devant la barre de Tampico. Le débarquement commença. Les troupes descendirent sur la plage, près du télégraphe qui relie la mer à la ville. La contre-guérilla, qui avait été récemment renforcée d’élémens et d’officiers pris dans l’armée française, formait presque une petite brigade légère destinée à se suffire à elle-même. Deux compagnies d’infanterie, deux escadrons de cavalerie, une section d’artillerie suivie d’une ambulance de campagne, se mirent en route le soir. En tête de la colonne marchait M. Du Vallon, capitaine au 3e chasseurs d’Afrique, jeune officier d’un rare mérite snr qui le général Bazaine avait jeté les yeux pour conduire à Tampico et y commander par intérim la contre-guérilla en l’absence du colonel Du Pin, tombé malade. Après une heure de marche, on entrait à Tampico.
Cette cité, la plus importante du Tamaulipas, le second port du Mexique, s’élève, à deux lieues de la mer, sur la rive gauche du Panuco et au confluent de ce fleuve avec le Tamesis. C’est une ville de nouvelle création, fondée en 1824, et qui doit un jour attirer à elle tout le commerce de l’intérieur, toutes les marchandises importées d’outre-mer, et cela aux dépens du premier port