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II

On ne se rendrait pas un compte exact des élémens de résistance que Carbajal allait opposer aux armes françaises, si l’on ne connaissait un peu le caractère de la Huasteca et de ses habitans. Les terres chaudes connues sous le nom de Huasteca comprennent quatre districts relevant de trois états différens. Au sud, les districts de Tuxpan et d’Ozuluama appartiennent à l’état de Vera-Cruz. A l’ouest, celui de Huejutla dépend de la province de Mexico, et au nord le district de Tancanhuitz se rattache à l’état de San-Luis de Potosi. Par suite de la grande distance de leurs capitales respectives, les principales villes de ces districts, Huejutla et Ozuluama en première ligne, ont su étendre au loin leur autorité politique et militaire, et l’esprit d’indépendance locale s’est développé dans la Huasteca d’autant plus librement que la population, presque entière d’origine indienne, était facile à manier. Quelques familles blanches, abusant sans scrupule de l’autorité, réduisirent d’abord la race indienne à l’état de vassalité. Plus tard, après avoir dépouillé les Indiens de leur sol, ces familles s’emparèrent des individus, et l’esclavage le plus honteux convertit les hommes en bêtes de somme. Les travaux d’agriculture, les défrichemens et les transports de marchandises devinrent le lot naturel des pauvres Huastèques, qui dans leur décadence pouvaient évoquer de fiers souvenirs. Le bâton répondait à leurs demandes quand ils osaient réclamer après un rude travail le modique salaire gagné à la sueur de leur front. Ces traitemens barbares eurent bientôt décimé les aborigènes, et le plus fertile pays d’Amérique, faute de bras indispensables aux cultures, se couvrit de forêts, où quelques Indiens fugitifs, condamnés à vivre de grains de maïs et de viande sauvage, cherchèrent un refuge contre le lasso qui les enlevait à leur famille pour le service militaire. Carbajal connaissait l’ancienne énergie de ses compatriotes ; il la réveilla en exploitant secrètement la haine des ilotes contre la race blanche. La Huasteca tout entière s’insurgeait à sa voix dès le début de la guerre. Les mots de liberté et de propriété eurent de l’écho jusqu’au fond des bois, et les villages préparèrent leurs armes pour repousser les Français, qui ramenaient avec eux, assurait-on, le règne de l’oppression et de la violence espagnoles. Comme en Algérie, sur les pics de la Kabylie. les feux s’allumèrent au sommet des cerros (montagnes), et par ces signaux les Huastèques purent apprendre que la contre-guérilla sortait de Tampico se dirigeant vers le sud. La colonne expéditionnaire n’était pourtant pas bien forte. Cent quarante fantassins, cent vingt-cinq cavaliers et vingt artilleurs suivis de deux obusiers de