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Le 18 avril, à six heures du matin, lorsque la contre-guérilla sonna la marche, ses éclaireurs fouillaient déjà San-Bartolillo, que l’ennemi venait d’évacuer. Les feux fumaient encore ; les vautours, troublés dans la curée, tournoyaient au-dessus des débris des animaux fraîchement abattus ; mais, à bien compter les peaux étendues sur le sol, il était aisé de voir que les douze cents soldats de Carbajal n’avaient pas tous campé dans ce même bivouac. A la sortie du village, le pays devenait montueux et tourmenté. Sur la cime la plus voisine, éclairée par un beau lever de soleil, se profilaient à l’horizon les silhouettes de cavaliers aux aguets, couchée sur l’encolure de leurs chevaux et sondant du regard les chemins creux de San-Bartolillo, encore noyés dans l’ombre. Une décharge de coups de carabine tirés par l’avant-garde, qui s’était glissée à bonne portée dans les rochers, mit du désordre dans le groupe mexicain, qui commença de battre en retraite, mais lentement, sans brûler une cartouche, contre l’habitude des guérillas. Peu à peu ils pressèrent l’allure de leurs chevaux, parfois on les voyait disparaître au sommet d’une colline ou au détour d’un sentier. Plusieurs taches de sang qui avaient rougi les feuilles mortes marquaient la halte qu’ils venaient de quitter. La contre-guérilla s’était élevée lentement au faîte d’un mamelon ; sur l’autre versant, le terrain changea brusquement d’aspect. C’était une petite plaine boisée ; au bout de la plaine, sur un plateau aride aux pentes blanchâtres et ravinées, se groupaient les maisons du village de San-Antonio. Le silence était complet. En arrière du village, sur le dernier plan, quelques vedettes circulaient dans les broussailles.

La rue principale de San-Antonio était parallèle au chemin par où débouchait la colonne française. Au centre, la hauteur était couronnée par une église solidement construite, quoiqu’en pisé. L’église était défendue par une palissade de gros pieux en bois dur étroitement serrés et hauts de quatre pieds ; on eût dit un rectangle dont le grand côté avait quarante mètres de long. Sur le derrière, l’enceinte était fermée par un mur en pierres sèches. Au pied de la façade principale, la raideur des escarpemens rendait la place inexpugnable. Toutes les ouvertures des maisons voisines étaient fermées et percées de meurtrières. A trois cents mètres sur la droite, un second mamelon dominait San-Antonio ; c’était un cimetière : aussi fortement palissadé que l’église. Sur la gauche, le village était bordé de fourrés où l’on voyait reluire les fusils, comme les faux dans les blés un jour de moisson ; çà et là des touffes d’aloès. Tel était le champ de bataille choisi par Carbajal.

La contre-guérilla avait donné quelques momens aux préparatifs du combat. Lorsqu’elle fut massée, elle s’engagea résolument dans la plaine ; derrière un pli de terrain qui l’avait masqué aux