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regards, un arroyo à sec coupait la route. Les débris du pont, détruit la veille par l’ennemi, gisaient au fond du ravin. Le capitaine Du Vallon s’élança bravement à la tête d’un escadron ; s’enfonçant au grand trot dans un chemin qui s’ouvrait à gauche dans la broussailles il entreprit de tourner le village, encore silencieux. Le colonel Du Pin, suivi d’un groupe de cavaliers, franchit l’arroyo et monta directement vers l’église ; mais l’église, les maisons et les jardins vomirent aussitôt le feu par toutes les ouvertures ; les projectiles mexicains, dirigés avec une précision inouïe, balayèrent la route où s’était avancé le colonel. Au même instant, dans les fourrés de gauche, retentit le bruit d’un engagement livré par la troupe de cavalerie lancée en reconnaissance. Il était huit heures et demie du matin. Le second escadron se replia pour s’abriter dans le lit du torrent pendant qu’une compagnie d’infanterie s’avançait par la droite en se glissant dans la broussaille. Sur la berge de l’arroyo furent mis en batterie les deux obusiers de montagne pour soutenir le mouvement des fantassins ; de là ils envoyaient obus et mitraille sur l’église, le véritable réduit de la place. Les balles des Mexicains frappaient sans relâche ; le fourré n’en fut pas moins enlevé à la baïonnette. Après le fourré, il restait à traverser à découvert le plateau dominé par les meurtrières des maisons qui flanquaient l’église. On traversa le plateau ; mais morts et blessés tombèrent parmi les assaillans. Le capitaine qui marchait en tête de la compagnie d’infanterie, M. Vallée, officier de zouaves, avait eu le haut de la cuisse transpercé d’une balle : il resta à son poste ; lorsque ses forces furent épuisées, il défendit qu’on l’emportât à l’ambulance dans la crainte de diminuer le nombre des combattans, déjà trop réduit. Sur tous les points d’ailleurs, la lutte était engagée ; vis-à-vis la façade de l’église, une partie de l’infanterie s’était précipitée à l’assaut par les pentes les plus raides. Cette attaque de front était la plus acharnée, car en avant du réduit se trouvaient une vingtaine de cases garnies de tirailleurs mexicains. Du premier élan nos soldats emportèrent quelques maisons ; mais, arrêtés par un feu plongeant à 100 mètres environ de la palissade, ils payèrent cher leur succès d’un instant : le sol se joncha de vestes rouges. — Le sous-lieutenant Prieur, qui dirigeait cette colonne, s’affaissa, la jambe gauche brisée et les reins déchirés, sans qu’on pût l’emporter ; pendant trois heures, il resta sur le sol sous un ciel brûlant. Presque à ses côtés le sous-lieutenant Perret, frappé d’un coup de feu à la hanche, tenait encore ferme à la tête des siens. Un peu plus loin, le capitaine Du Vallon, à peine entré sous bois, s’était vu accueilli par une grêle de balles : sur ses deux flancs étaient embusqués des fantassins mexicains ; sur la route l’attendait face à face la cavalerie de Carbajal. La charge fut entraînante,