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devant une poignée d’assaillans. Il restait encore trois étapes à parcourir pour arriver au pied de Huejutla, dont l’attaque devait payer à la contre-guérilla le prix de cinq semaines de fatigues et de privations excessives ; mais l’honneur de prendre cette véritable place forte fut réservé à d’autres plus heureux[1]. Le 25 juillet 1864, une dépêche du général en chef donnait l’ordre au colonel Du Pin de réunir toutes ses troupes à Tampico et de marcher en toute hâte sur Vittoria, pour soutenir le mouvement offensif du général mexicain Mejia. La grande expédition du nord, qui mit en mouvement, à la fin de juillet 1864, l’armée franco-mexicaine, allait commencer. La contre-guérilla, après avoir parcouru nuit et jour à l’époque la plus brûlante de l’année près de deux cents lieues de terres chaudes en moins de six semaines, après plusieurs heureux engagemens, après avoir misérablement vécu, puisqu’elle ne traînait jamais avec elle aucune provision, reprit en toute hâte la route de Tampico.

Pendant que la contre-guérilla se dirigeait vers cette ville, le chef juariste Noriega, à la tête de cent cinquante chevaux, faisait précisément une vigoureuse pointe vers la mer, dans l’espoir de surprendre et de piller Tampico, qu’il croyait sans défense. A peine les cargadores eurent-ils signalé son arrivée à Pueblo-Viejo, bourgade située sur la rive droite du Tamesis, en face du port, que deux pelotons de notre cavalerie, restés en garnison dans Tampico, s’élancèrent à sa poursuite. La rencontre fut sanglante ; mais les plateados laissèrent vingt-deux cadavres dans les champs, vingt-neuf chevaux, lances et mousquetons. Le capitaine Perez, pris avec un de ses plateados, fut passé par les armes. Ce nouveau succès fut le bienvenu au milieu de la contre-guérilla en marche sur Tampico ; il nous fut annoncé par le courrier chargé des paquets d’Europe. Au commencement d’août 1864, la colonne expéditionnaire rentrait dans ses quartiers de Tampico. Elle avait besoin d’un court repos. Cependant les partisans colorados ne désapprenaient pas le métier de coureurs de bois, toujours prêts aux incursions en pays ennemi. Depuis quelque temps, une guérilla commandée par un nègre nommé Roman s’embusquait sur les rives du Tamesis, arrêtait au passage les bateaux qui sillonnaient le fleuve, et ne relâchait les bateliers qu’après les avoir pillés et rançonnés. La retraite de ces bandits était cachée au fond des bois, au rancho du Caïman, où ils se croyaient en sûreté, grâce à la distance de dix-neuf lieues qui les séparaient de Tampico. Une nuit, on courut sus à la bande. Cinq de ces brigands furent enlevés, garrottés et conduits à

  1. Ce fut le lieutenant-colonel Tourre, du 3e zouaves, récemment victime de son dévouement dans un incendie à Mexico, qui, descendu de cette capitale à la tête de zouaves et de hussards, s’empara de Huejutla après un combat aussi brillant que meurtrier.