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son égard jusqu’à ce qu’il eût donné ses fils comme otages de sa personne, était commandée par la politique, mais elle attestait une défiance dont il s’autorisa encore plus pour se dégager de sa parole, qu’il ne se crut pas tenu d’observer, puisqu’on ne s’y était pas fié. Selon lui, le serment du chevalier obligeait à la délivrance du captif, et la détention prolongée du captif annulait la parole donnée par le chevalier.

L’empereur, malgré les objections alarmantes et les résistances opiniâtres du chancelier Gattinara, qui n’avait pas plus voulu signer que dresser le traité de Madrid, le confirma par sa ratification le 11 février. Il se félicitait de cette paix, si remplie d’avantages pour lui et si favorable à ses futurs desseins. Aussi écrivait-il à sa tante l’archiduchesse Marguerite, gouvernante des Pays-Bas : « Mon honneur et bien particulier y a été bien gardé[1]. » Il prétendait cependant qu’il aurait pu en tirer plus grand profit, s’il n’avait pas songé au bien universel de la chrétienté, au soulagement de ses royaumes, à l’entreprise contre le Turc et à l’extirpation de l’hérésie en Allemagne. Il comptait être bientôt en mesure, d’exécuter ces divers projets.


VI

Le 13 février, après avoir signé la paix à Tolède, Charles-Quint s’achemina vers Madrid pour voir son prisonnier, devenu son beau-frère, et gagner entièrement le rival qu’il croyait avoir transformé en ami ; il voulait passer quelques jours avec lui avant de le laisser retourner en France. Instruit de sa venue, François Ier se rendit au-devant de lui. Monté sur sa mule richement enharnachée, portant une cape et une épée à l’espagnole, ayant à sa droite le grand-maître de Rhodes Villiers de l’Isle-Adam et à sa gauche le capitaine Alarcon, suivi de trois cents hommes de sa garde, il alla jusque vers le pont de Tolède sur le Mançanarès. Charles-Quint arriva bientôt à cheval, vêtu de velours noir, accompagné des principaux de sa cour, et ayant pour escorte une troupe magnifique de deux cent cinquante hommes d’armes en costume de guerre, et dont l’armure de tête était portée par des pages qui les suivaient à cheval[2].

  1. Lettre de Charles-Quint à l’archiduchesse Marguerite, du 9 février 1526. — Dans Lanz, t. 1er, p. 191.
  2. «… El martes trece del dichomes de febrero, havia llegado a Madrid el emperador, é salió el rey de Francia à lo recivir, é fue desta mariera : iba el rey, con una capa de paño frisado é una espada à la espanola, en una mula bien guarnecida é a su mano derecha el gran maestro de Rodas, é à la sinistra el senor Alarcon que ténia en guarda al dicho rey, é muchos caballeros con ellos…. É como supo que el emperador pasava ya la puente que llaman toledana, que esta sobre el rio… procedió per el camino. É ivan entorno todos los campos llenos de gente, ansi por ser la paz deseada, como por ver é notar como se havrian estos principes en sus cortesias e cuando juntos fuesen. Ivan de los continuos del emperador, de la capitania de don Alvaro de Luna é de otros hombres d’armas, hasta docientos e cincuenta muy bien aderezados é armados, sin armaduras de caveza, las quales llevahan detras de ellos sus pages de la lanza a cavallo, é ivan per los costados de fuera del camino, trecientos infantes de la guarda que el dicho señor Alarcon tenia ordinaria al rey di Francia ; é poco adelante de una cruz estañada que esta, en aquel camino, se encontraron el emperador è el rey. El emperador venia en cuerpo en una hacanea con un sayo de terciopelo negro, é una espada en la cinta. » Relacion de lo sucedido en la prision de Francisco I, por el capitan Gonzalo Hernandez de Oviedo y Valdez, f° 40 v°. — Cité par M. Gachard dans l’appendice de la Captivité de François Ier, p. 91, 92, et Sandoval, t. Ier, liv. XIV, § 5.