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Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/91

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César : si jus violandum est, et alea jacta est ! Un bon cri dans Lisbonne, et puis advienne que pourra ! » Antonio de Brito répondit sérieusement que dom Antonio le pouvait. Le lendemain, on reçut l’envoyé au Pardo au milieu de soldats récemment formés en compagnie et bien équipés ; on l’avait fait exprès pour l’intimider, et Juan de Silva ajoute : « J’ai dans l’idée qu’il part avec une belle peur dans le corps, en même temps qu’il emporte au cou une chaîne de quatre cents ducats, afin que par l’un et par l’autre il s’efforce de tirer de l’esprit de son maître les vanités qu’il a conçues. »

Il y eut des momens où, soit découragement, soit calcul, soit esprit d’intrigue, dom Antonio serra de plus près les négociations avec l’Espagne, et il y eut aussi des momens où Philippe II passait à son égard du dédain à la crainte. C’était après tout le prétendant le plus dangereux, quoique le plus irrégulier, et même le seul dangereux, puisqu’il était seul capable d’élever sa hardiesse à la hauteur de son ambition. Il avait contre lui, à la vérité, toutes les classes gagnées déjà par la corruption espagnole, le clergé, la noblesse, les gouverneurs, les fonctionnaires obscurément subornés ; il avait pour lui ceux qui l’aimaient en souvenir de son père ou par haine de l’Espagne, toute cette population connue sous le nom de nouveaux chrétiens, Juifs et Maures convertis qui voyaient une sorte de gage dans le fils de Violante Gomez, — la plèbe qu’il intéressait et qu’il séduisait par ses manières, l’instinct national qui cherchait de tous côtés un drapeau et ne voyait que le sien. Il pouvait compter aussi au moment décisif sur ce petit groupe de gentilshommes qui résistèrent jusqu’au bout aux captations étrangères, les comtes Vimioso, Diego de Meneses, qui avait fait la guerre dans l’Inde, Diogo Botelho, le bouillant et audacieux évêque de Guarda.

À la mort du roi, le prieur de Crato, que dom Henri tenait dans une sorte d’exil, et qui rôdait inquiet, changeant tous les jours d’asile, n’hésita point à se jeter dans la mêlée. Ses partisans agitaient le pays ; lui-même il parcourait les villes et les campagnes, ne sachant trop que faire, mais soufflant la résistance, prodiguant les démonstrations, s’approchant tour à tour de Lisbonne, qu’il crut un moment enlever par surprise, — de Setubal, où s’étaient réfugiés les gouverneurs, — d’Almeirim, où se tenaient les cortès. Ce n’était pas des gouverneurs qu’il pouvait attendre un appui : les gouverneurs ne dissimulaient encore que pour laisser s’amortir le premier feu d’irritation populaire et livrer le royaume fatigué à Philippe II. Ce n’était pas sur les cortès qu’il pouvait compter : les cortès, échauffées un instant par l’intègre parole de Phebus Moniz et bientôt travaillées par l’habile Moura, s’affaissaient dans la division et l’impuissance. Ce fut la multitude qui le fit roi, et, comme tout ce qui se passait dans cette vie de hasard, l’acclamation d’où sortit sa