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à la tête de ses 1,500 hommes et de dix pièces d’artillerie rayées du dernier modèle américain, ravageant le pays compris entre Matamoros et Vittoria, dans l’espérance de pouvoir, en se glissant entre nous et la mer, tomber à l’improviste sur nos derrières et attaquer par surprise Tampico, si faiblement défendu.

Pour éviter tout prétexte de conflit entre les impérialistes et la contre-guérilla, il fut décidé que la division mexicaine sortirait de Vittoria, remonterait au nord-ouest par la ville de Linares pour, aller donner la main à la division de Castagny marchant sur Montérey, et de là se rabattrait par sa droite sur Matamoros, pour y attaquer Cortina, s’il s’y réfugiait dans l’intention de se rapprocher de la frontière américaine. Le lendemain, la colonne Du Pin pointerait directement sur la mer pour donner la chasse aux bandes éparses de Cortina et se saisir, s’il était possible, de son parc d’artillerie avant qu’il n’eût pu gagner le port de Matamoros, que l’escadre française allait bloquer du même coup.

Le 26 août au matin, la division mexicaine commença son mouvement en éveillant Vittoria au son de mille fanfares. Le colonel et les officiers de la contre-guérilla escortèrent à quelques kilomètres de la ville le général Mejia, qui leur avait témoigné une grande affabilité. Le soir même de l’incident Larumbide, il avait envoyé sous les fenêtres du colonel français une musique de ses régimens et était venu en personne lui faire une visite des plus cordiales. Le défilé de la troupe mexicaine dura sept heures ; la tête de colonne était déjà rendue à l’étape que l’arrière-garde n’était pas encore en route. Cependant, des deux divisions qui forment l’armée impérialiste, c’est sans contredit la meilleure. Elle est composée des plus anciens soldats, elle est plus éprouvée que celle du général Marquez. Les officiers ont de la tenue ; trois ou quatre parmi eux sont décorés de la Légion d’honneur, qu’ils ont vaillamment gagnée au siège de San-Luis, et qu’ils ont reçue des mains du général Bazaine. Les hommes, vêtus de neuf à leur départ de Mexico, en six mois de route, avaient déjà mis en lambeaux leurs capotes et leurs pantalons de drap gris de fer. Ils ont l’air malpropre, et la cavalerie a triste aspect ; mais, somme toute, c’est une troupe bien trempée, qui, au contact de la discipline européenne, pourrait faire s une bonne armée. Depuis la veille, les pluies avaient redoublé d’intensité, et c’était pitié de voir s’enfoncer dans les boues du chemin les soldaderas chargées de tout leur attirail de route. La soldadera, c’est la compagne du soldat mexicain. Si les maîtresses des officiers, toujours trop nombreuses, marchent aux premiers rangs confondues dans les états-majors, les unes à cheval, les autres à mule, la face soigneusement enveloppée sous le chapeau de paille aux larges rebords, les soldaderas marchent à pied à la suite des fantassins ou