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point encore connus. Pline dit que tous les peuples, longtemps esclaves d’une liberté qui les divisait, rendaient grâce à ce pouvoir d’un seul sous lequel ils se sentaient réunis. Il y avait moins de flatterie qu’on ne pense dans ces statues et ces temples qu’on élevait partout aux empereurs morts ou vivans. On honorait en eux cette autorité souveraine devant laquelle les factions se taisaient, et qui permettait à tout le monde de jouir en repos dans son municipe de sa liberté et de sa fortune. Pompéi avait adoré fort dévotement Auguste avant même son apothéose. Herculanum contient des inscriptions louangeuses pour Tibère et pour Claude. Quand on en retrouverait en l’honneur de Caligula et de Néron, je n’en serais pas surpris. « L’influence des bons princes, nous dit Tacite, se fait sentir partout ; les mauvais frappent surtout autour d’eux. » Une petite ville de Campanie n’avait guère à souffrir de leurs folies ; c’est à peine si le bruit en venait jusqu’à elle : elle ne connaissait d’eux que le pouvoir protecteur sous lequel s’exerçaient tranquillement ses libertés municipales. Elle respectait, elle honorait, elle bénissait le nom de l’empereur, quel qu’il fût, parce que c’était le nom que les légions portaient sur leurs enseignes lorsqu’elles allaient combattre les Germains ou les Parthes, — le nom qui du Rhin jusqu’à l’Euphrate maintenait la paix du monde et assurait sa prospérité.


III

Si les dignités municipales étaient si recherchées à Pompéi, ce n’est pas pour les profits qu’on en retirait. Aucun des magistrats ne recevait de traitement ; au contraire ils payaient pour être élus. La différence entre ces magistrats et les nôtres à ce sujet est bien nettement marquée par le sens qu’avait alors le mot d’honoraires et celui qu’il a pris chez nous. Il signifie aujourd’hui le salaire dont on paie le travail d’un fonctionnaire public ; c’était alors la somme d’argent qu’il devait donner pour reconnaître l’honneur qu’on lui faisait en le nommant, honoraria summa. Cette somme, qui variait selon l’importance des villes[1], était la moindre des dépenses que coûtaient les magistratures. On attendait bien autre chose de celui qui avait obtenu les suffrages de ses concitoyens. Les moins riches, dans les municipes les plus misérables, offraient à leurs électeurs

  1. Dans une petite ville de l’Afrique, à Culame, la somme honoraire pour les dignités les plus élevées était de 3,000 sesterces (600 francs). Tous les détails que je vais donner sont tirés des inscriptions latines. Je n’ai pas cru nécessaire d’indiquer à chaque fois mes sources. C’est ordinairement le recueil d’Orelli continué par M. Henzen et celui des inscriptions de Naples de M. Mommsen.